Guernesey, 10 juillet [18]68, vendredi, 6 h. ¾ du m[atin]
Je me dépêche de te dire que j’ai passé une très bonne nuit, mon grand adoré, pour décharger au plus vite mon cœur de son trop plein d’admiration depuis que je lis le livre olympien que nous collationnons Mme Chenay et moi [1]. La grande page que tu nous as lue hier à propos de Gustave Flourens [2] s’y ajoutant, mon cœur déborde et j’ai besoin de la répandre à tes pieds. Mon admiration croissante devient de l’adoration éperdue comme si je voyais Dieu face à face. Jamais tu n’as été plus beau, plus grand, plus doux, plus terrible, plus généreux et plus sublime que maintenant. Ton génie apparaît dans une transfiguration divine qui électrise et sanctifie les âmes qui le contemplent. Si nous étions seuls tous les deux comme autrefois, je baiserais tes pieds dans l’extase au lieu de t’écrire cet informe gribouillis qui rend mal ce que je sens si bien.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 191
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette