Bruxelles, 22 août [18]68, samedi matin, 8 h.
Je compte sur ta bonne nuit, mon cher bien-aimé, pour me rabibocher de la mienne qui a été assez tourmentée. Néanmoins, je vais bien ce matin mais je ne reprendrai pas de perle d’éthera [1] de longtemps. Ce n’est pas la première fois que je constate l’antipathie de mon estomac pour les drogues. Aussi m’en priverai-je désormais avec soin. Ce qu’il me faut, c’est la bride sur le cou comme pour les vieux mulets de montagnes et mon picotin [2] d’amour tous les jours. Avec cela, je suis sûre de faire mon petit bonhomme de chemin aussi loin que tu voudras me mener. Je pense qu’il nous faudra d’ici à peu de jours changer nos heures de promenades à cause de l’humidité du bois de la Cambre [3]. La ressource de la capote baissée en défend faiblement et ôte d’ailleurs tout le charme de la promenade. S’il ne pleut pas, vers midi, j’irai à la recherche de repriseuses pour mes rideaux et commander quatre chemises de flanelle pour moi. Il est bien entendu que je serai toujours rentrée à deux heures. J’espère, mon pauvre adoré, te trouver un peu moins soucieux tantôt quand je te verrai. Jusque-là, je t’aime à cœur que veux-tu ?
BnF, Mss, NAF 16389, f. 231
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « pas de perles d’éther ».