Bruxelles, 4 août [18]68, mardi matin, 8 h.
Je t’aime, mon grand adoré. Après cela, je n’ai plus rien de bon en moi à t’offrir car il n’y a pas une partie de ma pauvre carcasse en état en ce moment. Je souffre de partout et d’ailleurs à croire que j’ai été piléea dans un mortier et que je mijote dans une chaudière d’huile bouillante. Cette sensation n’est pas absolument gaie. Aussi je crains que mon gribouillis ne s’en ressente trop et je veux parler d’autre chose qui me plaise mieux. Comment as-tu passé la nuit, toi, mon ineffable bien-aimé ? Je n’ai plus ton TORCHON RADIEUX pour me renseigner [1], hélas, et je ne t’ai plus beaucoup à moi maintenant. Tout cela est dans l’ordre, je le sais bien, et si tu es heureux, je dois être heureuse et je le suis. J’espère que la santé de ta femme va se ressentir de ta douce et salutaire présence et que notre cher petit Georges va bientôt revenir aussi beau et aussi bon qu’auparavant sa petite ascension au ciel [2]. J’attends son retour avec une tendre impatience car je sais que c’est de lui que dépend votre bonheur à tous. Je n’ose pas compter te voir encore beaucoup aujourd’hui à cause de la présence de Millaud [3], de Frédérixd et du tutti quanti de tes adorateurs parisiens. Je m’y résigne d’avance en t’aimant de toute mon âme.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 213
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]
a) « pillée ».
b) « Frédérikx ».