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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 juillet [1840], lundi soir, 5 h. ¼

J’ai bien peur, mon cher petit homme, que vous ne soyez à Saint-Prix [1]. J’en ai plus peur qu’envie et je donnerais bien ma tirelire et tout ce qu’elle contient pour être sûre du contraire. La pensée de ne pas vous voir avant demain me rend triste et découragée et me donne l’envie de pleurer. Je sens bien que c’est bête de vous aimer avec cette frénésie mais je ne peux pas m’en empêcher, plus je veux me retenir et plus je vous aime. Si je pouvais croire que vous allez revenir tout à l’heure avec votre chère petite figure rayonnante je serais ravie et je me croirais la plus heureuse des femmes, de la plus triste et de la plus ennuyéea que je suis. Pardonnez-moi de trop vous aimer et aimez-moi un peu pour la Justice. J’espère que M. Frédéric [2] seb sera privé de vous conduire encore aujourd’hui une nouvelle histrionne ? Vraiment je crois que tout le monde est ligué contre moi et que c’est à qui tentera de vous enlever à mon adoration. Je leur conseille à tous de bien se tenir car le premier ou la première qui me tombera sous la griffe passera un fichu quart d’heure. Juju tourbillon de griffes leur donnera un échantillon de son savoir-faire. Quant à vous, mon adoré, tâchez de n’avoir pas la moindre coquetterie à vous reprocher avec toutes ces femelles ni de près ni de loin car je vous tuerais. Je ne suis ni poète ni espagnole ni [Clarette ?] mais je vous assure que je me vengerai affreusement sur tous ceux qui voudront mettre les doigts dans mon potage.
Baisez-moi Toto, aime-moi mon amour, sois-moi bien fidèle mon Toto. Je t’aime moi, je t’adore moi, je ne pense, je ne vis et je ne respire que par toi et pour toi. Tâche de n’être pas à Saint-Prix et de venir me faire sortir un peu ce soir, je continue à avoir un affreux mal de tête. Jour Toto, jour mon petit o. Papa est bien mince, papa est bien pâle, papa a l’air d’un bel espagnol. Voime, voime.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 27-28
Transcription de Chantal Brière

a) « ennuiée ».
b) « ce ».

Notes

[1La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

[2Vu le contexte, il s’agit vraisemblablement de Frédérick-Lemaître.

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