Bruxelles, 7 septembre 1868, lundi matin, 8 h. ¼
Comment as-tu passé la nuit, mon cher bien-aimé ? J’ai peur que la lecture d’hier t’ait beaucoup fatigué et je me reproche depuis d’avoir tant insisté pour te la faire continuer. Tu as bien fait de résister à notre admiration féroce et indiscrète. Une autre fois je tâcherai de me modérer si je peux. J’ai été très émue hier en entrant chez toi et il m’a fallu réagir de toutes mes forces pour ne pas te laissera voir mon émotion ainsi qu’à tes chers enfants [1]. Je ne m’en suis tirée qu’en priant l’âme de ta noble femme de me sourire de là-haut comme elle avait l’habitude de le faire chaque fois que je franchissais son seuil béni ici-bas [2]. Heureusement, ni toi, ni personne ne s’est aperçu de mon attendrissement douloureux et j’en remercie Dieu, d’abord, et ta chère âme après.
Mon Dieu que ton cher petit Georges est déjà beau ! Plus j’y pense et plus je le trouve PAREIL A L’AUTRE, comme disait ta petite Dédé dans son enfance, et plus je l’aime. Je voudrais être sa berceuse de jour et de nuit pour ne le quitter jamais. Ce cher petit ange réunit en lui toutes vos adorables ressemblances, la tienne, celle de ta femme et de son père, et c’est vous tous que j’aime et que je bénis dans ce doux petit être.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 248
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]
a) Deux croix sont tracées sous « ne pas te laisser », dans l’interligne.