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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mai [1840], dimanche après-midi, 3 h. ¾

Où êtes-vous, mon amour, pour que je vous envoie avec mes pensées mes baisers et mon âme ? J’ai bien peur que vous ne soyez retourné à Saint-Prix [1] chercher vos goistapioux et que j’en sois pour mes frais de petits pois. J’ai l’espoir que vous me reviendrez cette nuit, c’est une consolation, mais j’aimerais mieux moins de consolation et plus de bonheur avec vous. Quelle joie ce serait pour moi de courir la campagne avec vous sans parler du bien que cela ferait à ma pauvre tête. Il est bien triste que cette liberté dont nous jouissons depuis un mois tourne si peu au profit de nos promenades, de notre santé et de notre bonheur. Si vous ne convenez pas de cela c’est que vous ne m’aimez pas et que vous ne trouvez aucun charme à sortir avec moi. Taisez-vous !!! Venez me chercher tout de suite et vous verrez si je refuse la sortie en dépit des Triger, des Pierceau et des Joséphine probables et possiblesa. Je vous dis que vous êtes une bête et que je vous aime. Le Dabat a apporté le brodequin tout à l’heure parfaitement raccommodéb, a-t-il dit, car je ne l’ai pas vu attendu que je m’habillais. Dans tous les cas tu en seras quitte pour ne lui payer que la moitié de sa chaussure et pour changer de bottier si celui-ci dégénère. Baise-moi en attendant et aime-moi.
J’éternue comme un chien, j’ai cependant bien chaud et je ne suis pas dans un courant d’air. C’est une ANOMALIE de mon nez qu’il faut que je supporte avec les bizarreries de votre organisation. Je n’ai pas encore entrevu la queue d’une de mes femelles. Il va sans dire que si elles viennent ce sera juste pour l’heure du dîner et qu’elles s’en retourneront tout de suite après la fricassée comme il convient à des femelles bien repues. Il est possible aussi qu’elles ne viennent pas du tout et que j’en sois réduite à ma seule société, ce qui est bien maigre et peu récréatif. Encore si jamais mon civet familier mais il est à la campa aujourd’hui, il man des ceri [2]et sec soucie fort peu de moi et de mes rogatons. Moi je vous aime et je vous désire de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 179-180
Transcription de Chantal Brière

a) « probable et possible ».
b) « racommodé ».
c) « ce ».

Notes

[1La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour la saison d’été.

[2Dans une lettre précédente, Juliette qualifie Résisieux de « civet » de son logis. Elle imite ses défauts de prononciation : « il est à la campagne aujourd’hui, il mange des cerises ».

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