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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 mai 1840

9 mai [1840], samedi matin, 9 h.

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour. Comment vas-tu mon petit bien-aimé ? Je suis dans mes cardeurs jusqu’au cou et j’ai bien peur que la pluie ne vienne ; enfin au petit bonheur la laine est tirée il faut la boire. J’ai acheté en eau de Cologne, en camphre, en iris, en poivre pour 9 F. 8 sous. Tu vois, mon adoré, quelle brèche j’ai faitea à mes 20 F. de supplémentb ? Je te reprendrai 5 f. tantôt pour payer les matelas et puis je m’arrêterai, il faut l’espérer. N’oublie pas que tu m’as promis à copier, mon amour, je voudrais aussi savoir comment va ce pauvre petit Jules [1]. Si tu en as des nouvelles tu devrais bien venir m’en donner : je t’ai vu si triste et si préoccupéc hier au soir que cela m’inquiète. Je t’aime mon Toto, je t’adore mon bon petit homme. Si tu n’as plus d’inquiétude et si tu m’aimes je te dirai que la soupièred fait admirablement bien et que toute la chambre a gagné à ce nouvel arrangement de nos petites poteries. La petite voiture surtout dans laquelle il me semble voir ta ravissante petite tête curieuse et adorable regarder par la portière fait admirablement bien. Toto vous êtes mon ange, ma joie, ma vie et mon adoration. Je baise vos petits pieds, je voudrais vous voir. Jour Toto, papa est bien i. Moi je ne serai pas très ille aujourd’hui, c’est tout au plus si j’aurai le temps de me débarbouiller. Baisez-moi toujours en attendant et aimez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 127-128
Transcription de Chantal Brière

a) « fait ».
b) « suplément ».
c) « préocupé ».
d) « soupierre ».


9 mai [1840], samedi soir, 9 h. ¾

Mon pauvre bon ange je suis si harasséea, si épuisée, si échignée et si courbaturée que je croyais que je n’aurais pas la force de t’écrire ce soir. Cependant je sens si bien le besoin de me rapprocher de toi, ne fût-ceb que de la pensée que je reprends du cœur au ventre et que je mets du noir sur du blanc à force et de l’amour sur des paroles stupides à mort. Pauvre bien-aimé je t’ai à peine vu tantôt, je n’ai même pas eu le temps de te demander si tu avais des nouvelles du pauvre petit garçon [2]. J’espère qu’il va mieux et que tu seras moins tourmenté ce soir. Je t’aime mon Toto chéri, je t’adore mon petit homme. J’ai eu bien du malheur tantôt à peine as-tu été sorti qu’il s’est mis à pleuvoir à versec, force a été de suspendre le matelas, on l’a remis sur mon lit sans être bordé, on le finira demain. Quant à ceux de Suzanne on n’a pas pu y travailler du tout. Cependant c’est aujourd’hui le dernier coup de collier pour moi. Demain ne sera qu’un fignolement plus ou moins prolongé, il est temps que cela finisse pour moi car je t’avoue que je suis au bout de mes forces ; depuis huit jours je fais ouvrage d’un homme et dans les intervallesd la besogne d’une ouvrière mais je n’en peux plus. Aussi heureusement que j’espère que tout sera fini demain. Ce qui ne finira jamais c’est mon admiration et mon amour sans bornes pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 129-130
Transcription de Chantal Brière

a) « harrassée ».
b) « fusse ».
c) « averse ».
d) « intervalle ».

Notes

[1Jules Hugo (1835-1863), fils d’Abel Hugo et neveu de Victor.

[2Jules Hugo (1835-1863), fils d’Abel Hugo et neveu de Victor.

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