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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 juin 1839

29 juin [1839], samedi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon cher petit bien-aimé. Vous m’attraperez donc toujours, mon petit homme ? Au reste, excepté la vue d’une pauvre femme qui vous aime de toute son âme, vous n’avez pas perdu grand-chose car cette même femme est dans un état hideux de courbature et de migraine. Elle va se mettre au bain pour se délasser un peu et surtout pour se laver beaucoup. Cependant, auparavant toute chose, elle veut vous payer sa dette, ainsi qu’elle vous l’a promis. Jour, mon Toto. J’ai bien du bobo à la tête. Je ne recommencerai pas ma besogne pour rien dans le monde aujourd’hui, à moins que ce ne soit pour monter en [illis.] diligence ce soir. Je vous aime, Toto. Depuis longtemps j’ai à peine le temps de vous le dire mais ma conduite suppléea à mes paroles et vous devez être convaincu. Vous faites de bien beauxb rébus, mon Toto, mais j’en suis jalouse car je vois que c’est aux dépensc du temps que vous pourriez me donner et par conséquent de mon bonheur. Et je ne peux pas m’empêcher de m’attrister de cette préférence des ASTRES BIEN MIS à une pauvre femme mal attiféed mais qui vous adore de tout son cœur. Autrefois, vous auriez eu le bon goût de préférer l’amour à l’esprit et le bonheur aux images les mieux inventées. Maintenant, ce n’est plus ça et votre pauvre Juju est abandonnée à elle-même, ce qui fait qu’elle est de plus en plus stupide et maussade et qu’elle vous aime ni plus ni moins que s’il en était autrement. Baisez-moi de tout là-bas, comme je vous baise dans ma pensée d’ici.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 51-52
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « suplée ».
b) « beau ».
c) « au dépend ».
d) « attiffée ».


29 juin [1839], samedi soir, 7 h. ¼

Je vous crois, mon cher petit bien-aimé, et je ne suis pas fâchée du tout. D’ailleurs, mon pauvre adoré, si tu savais comme au fond de la chose ça m’est égal, tu n’y ferais pas une minute attention. Aller ou ne pas aller chez la mère Pierceau, c’est tout un pour moi. Seulement, il y a des jours où je souffre tant de la tête que la difficulté de vivre me paraît encore plus grande chez moi seule, qu’ailleurs avec quelqu’un, à qui je peux parler de toi. Voilà la vraie et unique raison pour laquelle je te demande quelquefoisa de me mener chez la mère Pierceau. Et puis, baisez-moi, vieux mouzon. Je m’aperçoisb que mon écriture devient de jour en jour plus illisible, je ne sais pas à quoi ça tient ; ma main tremble, mes idées se brouillent et tout ça fait un fouillisc du diable. Je vous aime, Toto, voilà la vraie vérité. Dites donc, vous, nous avons un petit compte d’OMNIBUS à régler ensemble. C’est moi qui devrais être jalouse et tigresse. Mais soyez tranquille, je cache ma fureur dans ce moment sous la laine d’un mouton mais je n’en suis que plus dangereuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 53-54
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « Quelques fois ».
b) « apperçois ».
c) « fouilli ».

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