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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 novembre [1837], jeudi après-midi, 3 h. ¾

Vous êtes parti avec votre petite mine renfrognée et quoique je n’en sois pas la cause, j’en ai eu tout de même le déplaisir car après vous ce qui me fait le plus de bonheur c’est votre joie, c’est votre sourire triomphant et réjouissant. Je ne vous en veux pas, je sais qu’aujourd’hui vous avez un trop légitime sujet de tristesse mais enfin ce n’est pas une raison pour être gaie quand vous êtes morose. D’ailleurs en faisant un retour sur moi-même je n’y trouve pas de prétexte pour me réjouir. J’ai tant de tourments et d’inquiétudes et des plus graves qu’il faut toute la force de mon amour pour ne pas les laisser paraître quand tu es là. Il y a des moments même comme ceux d’hier par exemple où je ne peux pas me retenir et où je te dis tout au risque de combler la mesure de tes ennuis personnels. Aussi, tu dois comprendre quellea sympathie j’ai pour tout ce qui t’arrive, moi qui n’ai d’autres joies que les tiennes, d’autre lumière que les rayons de ton esprit, d’autre bonheur que le reflet du tien. Je suis d’autant plus démoralisée quand un nuage obscurcit tout cela que je n’y vois plus goutte pour me conduire. J’espère cependant mon bel astre que vous allez bientôt sortir de votre ciel nébuleux et continuer à ne reluire que pour moi. Vous voyez que je ne manque ni d’égoïsme ni d’orgueil. Je prends tout cela dans l’excès de mon amour. Il me semble quelquefois que votre vie n’yb suffira pour le paiementc jusqu’à parfaite extinction de votre dette. En attendant je vous avance dix mille baisers sur votre belle bouche et je retiens l’autre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 57-58
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « qu’elle ».
b) « ni ».
c) « payement »


16 novembre [1837], jeudi soir, 9 h.

Vous sentez fièrement l’homme qui ne viendra pas ce soir, mon cher petit Toto. Je fais des efforts pour résister à ma mauvaise pensée sans pouvoir en venir à bout car je vous connais, et je sais trop bien de quoi vous êtes capable.
Je voudrais pourtant, mon cher petit homme, que vous songeassiez à redemander à M. Boulanger les dessins de notre voyage. Je n’ai que ce luxe-là, et comme il me suffit j’y tiens d’autant plus. Ainsi donc tâchez de me rendre au plus tôt vos dessins (je pourrais même dire mes dessins attendu que j’ai taillé tous les crayons et souvent porté l’album) ou sans cela je l’envoie prendre de ma part chez le susdit Boulanger. Au besoin j’irai moi-même. Vous voyez mon cher petit homme que je suis résolue à tout pour rentrer tout de suite dans mon bien. Exécutez-vous donc de bonne grâce et ne me forcez pas à recourir à la ruse ou la force pour obtenir ce qui m’appartient. Si vous êtes bien gentil vous ferez droit à ma juste réclamation d’ici à dimanche. J’espère que je ne suis pas trop exigeante.
Mon petit Toto chéri, je t’aime, je t’adore, et si je savais assez écrire, je ferais des volumes qui rempliraient le monde de l’amour que j’ai pour toi. Mais hélas, je ne sais écrire que tout juste je t’aime, et puis je t’aime et puis encore je t’aime, et ce n’est pas assez pour des volumes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 59-60
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

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