Guernesey, 14 février [18]68, vendredi, 7 h. ¾
J’ignore depuis quand tu es levé, mon grand bien-aimé, car j’ai à peine les yeux ouverts encore à ce moment-ci ; mais j’espère, quelle que soit l’heure de ton lever, que ta nuit a été meilleure que la mienne. Je ne sais à quelle occasion ni pour quel motif je me suis donné le luxe d’une nuit blanche mais la vérité est que je n’ai pas dormi deux heures sur les neuf que j’ai passées au lit : je te raconte cette petite misère nocturne parce que tu l’exiges absolument. Mais cela dit, je te prie de ne pas y attacher plus d’importance que moi. J’ai hâte d’admirer ton apothéose dans le MONITEUR [1]. Quel coup de soleil sur le pifa du Bonaparte. Chaque fois que son immonde patte essaye de saisir ta gloire pour l’éteindre, elle reparaît plus grande et plus brillante au-dessus de ton front et il en est pour ses brûlures. Jusqu’à son Moniteur qui devient fer rouge pour lui dès que ton nom y resplendit.
Je me dépêche de te donner mon cœur et mon âme en bloc pour lire le discours de J. Simon [2].
BnF, Mss, NAF 16389, f. 43
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « le piffe ».