Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1852 > Novembre > 24

Jersey, 24 novembre 1852, mercredi matin, 10 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon grand Toto, bonjour, malgré vent marais [1] et rhumatisme, bonjour. Me voilà sur pied tant bien que mal, mais j’espère être tout à fait guérie pour tantôt. Telle est ma grandeur. Je ne sais pas si tu as pu dormir cette nuit. Quant à moi cela m’a été tout à fait impossible car on aurait dit que l’ouragan tout entier était concentré dans ma chambre. Je n’ai jamais entendu une plus formidable bacchanale mais si variée dans ses vociférations, si consciencieusement furibonde que, loin de me plaindre de ce hourvaria infernal, je l’en remercie car il m’a aidée à supporter mon insomnie sans ennui et sans grande souffrance. Mais j’ai bien peur, mon pauvre adoré, que ce qui a été une distraction pour moi n’ait été une fatigue pour toi. C’est beaucoup trop, même pour ta forte et sublime nature, d’avoir la tempête au-dedans de toi et au-dehors de toi. Aussi, mon pauvre grand adoré, j’aurais voulu pouvoir imposer silence à toutes ces voix furieuses et retenir tous ces bruits violents pour ménager ton repos si nécessaire à ta santé c’est-à-dire à ma vie. Pauvre, pauvre grand bien-aimé, je suis toute troublée quand je pense à l’œuvre immense et surhumaine que tu as entreprise je crains toujours que tes forces ne trahissent ton courage sublime et divin. Aussi je m’inquiète de tout ce qui peut les affaiblir et les diminuer. Mon Victor adoré, avec quelle joie je donnerais ma vie [pour toi  ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 195-196
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « ourvari ».


Jersey, 24 novembre 1852, mercredi matin, 11 h. ¼

Quelle bonté, mon pauvre bien-aimé, venir par ce temps affreux au risque de t’enrhumer et de te rendre toi-même malade. Si je pouvais t’en aimer plus ce me serait une bonne et bien douce occasion mais je t’ai donné tout mon cœur le premier jour où je t’ai vu. Aussi, depuis ce temps, mon amour qui n’a pas diminué n’a pas pu augmenter non plus quelles qu’aienta été les circonstances heureuses ou malheureuses qui se soient produites.
J’ai Dieu merci beaucoup mieux à faire que de lire le journal jersiais et de me coucher et je me fiche de vous de toute la grandeur de mon bonheur. Cela vous apprendra à me traiter comme une huître ou comme une marmotte. Mais en attendant je vais copire un peu dru pour vous forcer à m’apporter bien vite d’autre besogne à mon goût. Mais prenez garde que je ne m’immisceb plus avant dans vos travaux daguérréotypiques [2] et que je ne vous surprennec en flagrant délit de stéréoscope criminel. Je suis sur la trace de vos crimes, prenez garde à vous et taisez-vous par pudeur et par prudence car je suis plus que jamais Juju.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 197-198
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « quelqu’ait été ».
b) « imisce ».
c) « surprène ».

Notes

[1La faute est volontaire.

[2D’après le journal d’Adèle, à la date du 22 novembre 1852 la pratique du daguerréotype est déjà régulière dans le clan Hugo.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne