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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 28 juillet 1852, mercredi soir, 7 h. ½

Je te demande pardon, mon cher petit homme, de mon peu de courage ou plutôt de mon peu de force qui me fait prendre en impatience et presque en chagrin les fatigues multipliées de notre départ. C’est stupide, j’en conviens, et c’est surtout bien injuste de t’en rendre responsable dans le moment où tu es toi-même tiraillé dans tous les sens par des devoirs publics et privés et par des embarras et des inquiétudes plus ou moins [douloureuses  ? fâcheuses  ?]. Je sens qu’entre ta fatigue et la mienne il y a toute la différence d’une prosaïque courbature et la lassitude sublime du Christ montant le calvaire à genoux. Aussi je te demande pardon du fond de mon cœur, mon bien grand, mon bien noble et bien généreux adoré, de te rendre témoin de ces petites crises de nerf domestiques causées par une sorte de prostration maladive dont je ne suis pas tout à fait maîtresse. Tâche de ne plus t’en souvenir, mon pauvre doux bien-aimé, repose-toi dans l’hospitalité amusante de Dumas de tous les ennuis qui t’accablent. Pense à moi avec ta bonté et ton indulgence accoutumées et tâche de revenir me voir un peu ce soir pour me rendre bien heureuse. Si tu ne le pouvais pas, je penserai que tu le regrettes et que tu me plains et je tâcherai de m’en faire du courage et de la résignation. D’ici là je veux espérer que tu viendras. Ce sera autant de tristesse de moins que j’aurai dans l’âme. Les emballages sont terminés et les ballots portés chez [Van Gen  ?]. Seulement il a été impossible d’acquitter d’avance les frais de douane et de factage [1], ce qui nous oblige à envoyer tout de suite une petite somme approximative à la mère Lanvin pour qu’elle soit en mesure de payer lorsque les ballots arriveront samedi 31 juillet. Les frais de transport chez [Van Gen  ?] ont coûté 13 F.10 ; on pense que la douane et le factage iront à peu près au même chiffre. Les frais d’emballage sont montés à 19 F. à cause de la caisse supplémentaire, du cadre doré et de l’impossibilité de tout faire tenir dans un seul colis plus l’emballage de costumes et fleurets [2] de Charles et la réparation de sa caisse. Voilà, mon cher petit homme, ce qui a été fait aujourd’hui et ce qu’il [me  ? nous  ?] reste à faire pour terminer cet espèce de déménagement. Je fais de mon mieux, ce n’est pas de ma faute si ce n’est pas bien et puis je t’aime par-dessus mon cœur et mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 193-194
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Vieilli. Transport des marchandises au domicile du destinataire ou au dépôt de consignation.

[2À Jersey Charles pratiquera l’escrime.

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