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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 11 juillet 1852, dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon bon petit homme, bonjour quelles ques soient les déceptions qui m’attendent aujourd’hui, bonjour encore, bonjour toujours et bonheur à toi.
Tu sais, mon doux adoré que nous n’avons plus que quatre jours d’ici le [15 ?] après quoi tu appartiendras tout entier à ta chère famille [1]. Tu sais encore que depuis bientôt deux mois tu n’as pas dîné une seule fois avec moi. Tu sais que tout ce temps, je l’ai passé à souffrir, à travailler et à souffrir au risque de cumuler. Est-ce que tu ne trouverais pas juste de me donner un de ces quatre jours de presque liberté pour me dédommager de ces deux mois de rudes souffrances ? Est-ce que tu ne crois pas nécessaire de me redonner un peu de courage pour les nouvelles épreuves à venir, parmi lesquelles une des plus difficiles sera de te laisser partir sans moi ? Si tu penses que cela n’est pas nécessaire, je me résignerai et je ne t’en parlerai plus. Si, au contraire, tu crois que ma réclamation est juste je te prie de me dire tout de suite quand tu pourrais venir dîner avec moi. Je ne compte pas du tout sur Waterloo, pas plus que sur la poule sans queue car il est évident qu’il y a une opposition collective [illis.] aucune partie de ce genre. Il t’est bien facile de t’en assurer en mettant à demeure tous les Luthereau, tous les Yvan et tous les Reybaud de s’exécuter à jour fixe. Tu verras que pas un ne sera en mesure et que la chose sera remise indéfiniment. Aussi, moi qui sais à quoi m’en tenir sur la bonne volonté de tous ces individus mâles et femelles, je te supplie de ne pas les associer au pauvre petit moment de bonheur que tu as l’intention de me donner d’ici à ta réunion définitive avec toute ta chère famille. Si tu savais, mon pauvre bien aimé, combien mon corps et mon cœur ont besoin de cette pauvre petite chose de vraie joie tu te hâterais de me la donner sans attendre le bon plaisir de la gravelle de Mme Reybaud et le caprice taquin de la bourgeoise Luthereau.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 157-158
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 11 juillet 1852, dimanche après-midi, 1 h.

Je suis consternée, mon pauvre bien aimé, depuis ce matin car il me paraît trop probable que le bon de 310 [F.] est perdu. J’ai reçu une lettre de la mère Lanvin datée d’hier qui me mande qu’elle est très inquiète de ma santé et qui me prie de lui faire savoir des nouvelles quelconques, fût-cea même par Suzanne. Il est clair qu’elle n’avait pas reçu la lettre et le bon de 310 [F.] que je lui ai envoyés mercredi dernier et qui devait lui arriver jeudi. Je n’y comprends rien ou plutôt je ne comprends que trop que ce mandat de 310 [F.] est volé ou perdu. Perdu ce ne serait rien encore s’il n’a pas été touché. Je viens d’écrire à la mère Lanvin d’aller tout de suite chez Guyot [2] et mettre opposition en ton nom et au sien dans le cas où ce malheureux mandat n’aurait pas encore été présenté. Je lui dis de me répondre courrier par courrier. Mon Dieu, mon Dieu, que je suis malheureuse de la pensée d’une aussi grande perte. Dans un pareil moment je ne sais plus ce que je fais depuis que j’ai reçu cette lettre. Je voudrais que tu viennes pour me concerter avec toi sur les mesures à prendre pour réclamer cette lettre égarée ou perdue. Mais malheureusement elle n’était pas chargée, ce qui rend les réclamations presque impossibles et puis il faudrait peut-être que tu écrivis tout de suite à Guyot pour mettre opposition à cette somme. Il est vrai que si on a volé le mandat on a dû l’encaisser le jour même pour éviter l’opposition. Justement, il y deux ou trois jours, les journaux annonçaient l’arrestation de plusieurs employés de la grande poste de Paris en flagrant délit d’infidélité et de vol. Je donnerais dix mille fois cette somme de mon sang si je pouvais t’épargner cette perte en écus, mon pauvre adoré, car dans ce moment-ci ton argent c’est ta sécurité, ta dignité, la vie de ta famille, ton indépendance, et ton honneur. Mon Dieu que je suis malheureuse et que faire pour parer à cette calamité qui fond sur nous ? Je t’attends mon Victor avec une douloureuse impatience.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 159-160
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».

Notes

[1Victor Hugo retrouvera effectivement sa famille à Jersey le 5 août 1852.

[2À identifier.

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