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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 décembre [1841], lundi soir, 5 h. ½

Baisez-moi, cher monstre, et ne vous opposez pas à ce que je fasse la barbe tous les jours au sieur MÉNAGE. C’est de toute nécessité et vous-même, tout COCHON que vous êtes, MONSEIGNEUR, vous ne vous accommoderiez pas longtemps d’un autre régime que celui de propreté rigoureuse à laquelle je m’astreins envers et malgré vous.
Suzanne va partir tout à l’heure porter votre paquet chez Plon [1]. Vous voyez qu’on n’aura pas perdu de temps pour vous satisfaire. Je trouve moyen, avec une seule serventre et malgré l’impossibilité de sortir et de faire une partie de mes affaires moi-même, je trouve moyen, dis-je, de faire faire les vôtres avec une seule servarde haute comme votre botte et grosse comme le poing. Rien ne m’est impossible quand il s’agit de vous.
Vous avez bien fait de venir cette nuit, mon Toto, car j’étais très triste et très montée contre vous. J’étais si découragée que je pensais au moyen d’en finir d’un seul coup avec tout. Heureusement, vous êtes venu me calmer et me consoler. Vous êtes un ravissant petit bien-aimé que j’ai le tort de trop aimer. Baisez-moi et taisez-vous.
Je serais bien heureuse si vous veniez me faire sortir tantôt. Le temps est si beau et c’est si bon de marcher à votre bras que vous devriez faire tous vos effortsa pour me donner ce bonheur-là ce soir. Cependant, si vous ne pouvez pas, je ne serai pas fâchée. J’ai été trop heureuse cette nuit pour être exigeante ce soir. Vous voyez que je me fais moi-même la part et que je ne la fais pas avec indiscrétion ? Baisez-moi alors.
Je n’ai plus que trois jours pour ce que je sais bien : quel bonheur !!!!!!!!!!!!!!b Mais ce hideux Barbedienne manquera à l’appel. Je ne peux pas y penser sans être furieuse contre cet horrible marchand de papier peint qui se permet de ne pas me donner la chose qui, après vous, m’est la plus agréable. Que le diable le Barbedienne. Si vous me faites sortir ce soir, je suis très femme à l’aller relancer encore une fois en désespoir de cause, mais vous ne viendrez pas et j’en serai pour ma colère et mes désirs rentrés [2]. C’est égal, je vous aime. Baisez-moi bien fort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 253-254
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « effort ».
b) Les points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Il s’agit de l’imprimerie Béthune et Plon, chargée de tirer les deux volumes du Rhin que Hugo vient de terminer et qui doivent paraître début 1842. Le paquet contient probablement les toutes dernières épreuves de la Préface.

[2Juliette a fait fondre par Ferdinand Barbedienne un buste de Hugo qu’elle a enfin reçu le 29 novembre. Cependant, elle attend aussi de lui un médaillon contenant le portrait de son amant, mais le 20 novembre, elle redoutait qu’il ne fasse banqueroute. Depuis, elle demande donc instamment à Hugo de la mener à la fonderie.

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