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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 avril [1839], lundi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon cher petit adoré, bonjour, mon petit homme. J’espère que je suis matinale mais aussi je n’ai pas dormi de la nuit. Et toi, mon adoré, tu n’as pas dormi non plus mais pour une raison pire que la mienne, c’est que tu travaillais pour moi, malgré tes yeux et le besoin de repos de toute une journée de fatigue. Sois béni pour tant de dévouement et de courage, mon adoré. Je t’aime. Je me suis mise en frais ce matin, j’ai taillé mes trois plumes, c’est cela qui est beau ! J’ai la cocotte sur ma table de nuit, il me semble qu’elle est moins farouche ce matin. Nous finirons peut-être par l’apprivoiser. Je vais recommencer à te tourmenter, mon chéri, pour le dessin du père Pasquier [1]. Si tu passes cette semaine sans le faire, je l’enverrai tel qu’il est ainsi, dépêchez-vous. Vous ne me parlez plus de la copie de Boulanger : est-ce que par hasard vous croyez que cela passera en conversation comme toutes les promesses que vous me faites ? Oh ! Que nenni ! Il me faut votre portrait et dans les huita jours qui suivront la fermeture du salon, ou sinon je me fâche et je fais les centb coups. Je n’ai pas envie de me brosser quoi que ce soit à un soleil qui n’existe pas, pendant que vous regorgez de votre portrait et de votre personne dans votre maison. Il me faut votre portrait, entendez-vous ? Et venez me baiser tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 81-82
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « huits ».
b) « cents ».


22 avril [1839], lundi soir, 6 h. ¼

J’ai toujours attrapé un petit morceau de bonheur, mon Toto, et à ce prix je ne regrette ni mes omnibus ni votre temps. Je voudrais qu’il dépendît de moi d’en prendre comme ça tant que je voudrais. Je vous réponds que je n’y manquerais pas. Voici le petit livre de Mlle Dédé qu’on me rapporte, ainsi vous ne grognerez plus. Quel beau temps, hein ? Et comme on serait bien sur une impériale de diligence roulant sur la grande route ? Hum, ça vous fait venir les champs, les chevaux, les auberges et les vieilles cathédrales à la bouche. Quel malheur que nous soyons confinés dans ce hideux Paris. Oh ! Comme je renoncerais volontiers à mes débuts si vous vouliez me donner deux mois de bonheur, seulement un mois, même trois semaines, même deux jours, même une heure [2]. C’est que je vous aime, mon Toto, bien avant mes intérêts, bien [avant] LA GLOIRE, bien avant tout, car vous c’est tout et plus que tout c’est vous, vous, vous. Baisez-moi, mon cher petit adoré ; aimez-moi et plaignez-moi de n’être pas où vous êtes. Je vous attends avec tous les désirs d’un cœur plein d’amour et toute l’impatience d’une pauvre âme qui souffre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 83-84
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]

Notes

[1À élucider.

[2Il lui faudra attendre le 31 août pour leur voyage annuel, d’où ils reviendront le 26 octobre.

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