3 novembre [1841], mercredi soir, 7 h. ½
J’avais voulu mettre ma copie en train avant de t’écrire, mon adoré, ce qui m’a procuré l’occasion de faire un gribouillis en tête de la pagea et ce qui est cause que je vous écris sur la susdite, parce que tout est assez bon pour vous. Je vous dis que vous êtes un scélérat qui empêchez tout le monde de TRAVAILLER tandis que vous perdez votre temps à ne rien faire. Voime voime, c’est bien vrai bien vrai. Taisez-vous et baisez-moi.
On vient de m’apporter tout à l’heure une lettre de Mme Krafft, sans doute au sujet des fauteuils, mais je me range de votre avis et je n’en userai pas même quand le sieur Jourdain devrait ne m’envoyer les miens que dans six mois [1]. Je ne dois pas vouloir pour moi ce que vous refusez pour vous, voilà qui est dit.
Dites donc, Toto, je n’ai plus qu’un mois et vingt-sept jours [2] et ce diable de Barbedienne qui ne se dépêche pas [3]. C’est que je suis très pressée de jouir, moi, ia ia monsire matame, il est son sarme à mamzelle Chi Chi. Mais sois tranquille, mon Toto bien-aimé, j’économiserai bien dans mon petit ménage pour que cette dépense ne te retombe pas en plein sur le dos. Ce sera une double joie pour moi que de coopérer par un soin de tous les jours et de tous les instants à la possession de ce que je désire le plus au monde après toi. Embrasse-moi, mon amour chéri, et viens bien vite.
Lorsque je vous permets de passer dans le coin quand il y aura du monde plein la chambre, il faut que les bons exemples aient de la publicité. Viens-y, pôlisson, et tu verras de quel fagot je me chauffe. Baise-moi, vilain monstre, et reviens tout de suite après avoir lu ce fouillis et je te pardonne tous tes trimes. J’ai lu, j’ai lu, QUEL BONHEUR [4] ! Je vais joliment copier tout à l’heure, SOILLIE tranquille et aime-moi.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16347, f. 87-88
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) Il y a en effet quelques mots raturés écrits tout en haut de la première page.