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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 octobre [1841], samedi midi

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher amour. Comment allez-vous ce matin ? Comment m’aimez-vous ? Et quand viendrez-vous ? Il fait un temps abominable aujourd’hui, aussi je me résigne à avoir mon affreux mal de tête tant et plus. Vous seriez bien aimable, mon amour, si vous vouliez venir travailler tout à l’heure auprès de moi et si vous voulez me donner à copier. Vous serez comme toujours mon pauvre Toto bien-aimé.
Je vais écrire au Jourdain tout à l’heure pour le presser car mon pauvre coccyxa en voit de trop duresb [1]. J’écrirai aussi à Mme Krafft mais tu verras la lettre avant que je la fasse mettre à la poste. Enfin, je vais faire faire mon ménage dare-darec pour ne pas te déranger si tu viens travailler.
Dis donc, Toto, je n’ai plus que deux mois et un jour [2] ! Dites donc, Toto, ne faites [pas] l’olibrius avec les femmes si vous ne voulez pas tâter de la vengeance en question. C’est que je ne badine pas sur cette question et rien ne pourrait me satisfaire, si vous aviez l’infamie de me tromper, que l’opération presque CÉSARIENNE que vous savez. Vous êtes averti maintenant, c’est affaire à vous, à la moindre petite infidélité je ne dis pas une, deux, trois mais tout de suite la….. en [illis.] [3].
Jour Toto, jour mon petit o. Il y a un an à pareille heure, à pareille époque et avec le pareil temps nous roulions tristement ramenés vers Paris, mais au moins nous avions eu deux mois de bonheur parfait, tandis qu’aujourd’hui j’ai autant de tristesse dans le cœur et j’ai les souvenirs de joie et d’amour de moins. Je voudrais être au mois de juin 1842 pour m’en aller avec toi [4]. Quel bonheur ce jour-là. Hélas, c’est dommage que ce soit dans si longtemps.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 71-72
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « cocix ».
b) « dur ».
c) « dar dar ».


30 octobre [1841], samedi soir, 7 h.

Je viens de lire, mon amour, mon cher petit manuscrit. J’en suis de plus en plus contente, c’est fort heureux, n’est-ce pas ? Eh bien c’est comme ça, si je ne copie pas ce soir, c’est parce que vous n’êtes pas pressé et que j’ai moins mal à la tête et que je voudrais tâcher de me guérir. Du reste, si j’avais dû attendre à copier pour lire, j’aurais copiéa tout de suite sans attendre une seconde. Voilà mon opinion politique et littéraire. Dites donc, Toto, si vous pouvez me conduire ce soir chez Barbedienne, vous me ferez joliment plaisir. Je voudrais savoir un peu ce qui empêche mon buste d’arriver [5]. J’ai une peur de chien que votre aimable accueil de l’autre fois ne retombe en rosée malfaisante sur ce pauvre plâtre qui n’en peut mais. D’ailleurs, cela me donnerait l’occasion d’être avec vous, ce dont je ne serais pas très fâchée entre nous soit dit. Dites donc, Toto, il m’est venu une idée : si j’écrivais à Jourdain que…. vous êtes une bête, il me semble que ça ne ferait pas mal ? Dites donc, Toto, je n’ai plus que deux mois et deux jours. Dites donc, Toto, je vous aime de toute mon âme. Dites donc, Toto, je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 73-74
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « copier ».

Notes

[1Voir la lettre de la veille.

[2Juliette parle d’une petite boîte à tiroirs qu’elle réclame depuis le début de l’année, et que Hugo a promis de lui offrir pour le nouvel an. Cela fait quelque temps qu’elle fait ainsi le décompte des jours qui la séparent encore de ce cadeau tant attendu qu’elle recevra finalement en avance le 19 novembre.

[3Juliette fait référence à une anecdote qu’elle a lue la veille dans Le Messager et qui lui a déjà donné l’occasion de menacer Hugo en cas d’infidélité.

[4Depuis 1834, Hugo et Juliette ont pris l’habitude d’effectuer un voyage de quelques semaines ou mois pendant l’été et le printemps. L’année précédente, ils ont visité les bords du Rhin et la vallée du Neckar mais en 1841, le poète est trop occupé par la rédaction monumentale du Rhin, et leur voyage annuel n’aura pas lieu.

[5Ferdinand Barbedienne (1810-1892) : industriel français, connu pour sa fonderie de bronze de reproduction d’art. Il réalise un buste que Juliette recevra enfin de Hugo le 29 novembre. Dans sa transcription d’une lettre de novembre 1841, Jean-Marc Hovasse émet l’hypothèse qu’« il s’agit très vraisemblablement d’un buste en bronze, lauré ou non, par David d’Angers, fondu par F. Barbedienne. Certains laurés sont datés de 1842, d’autres, sans laurier, sont sans date ».

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