6 septembre [1841], lundi après-midi, 4 h. ½
Vous êtes un méchant et un traître, monsieur Toto, de m’empêcher d’aller chez vous à mon aise et quand je veux. Pardi, cette malice d’aller vous surprendre à heure dite et vingt-quatre heures d’avance pour vous préparer à ma visite, en vérité vous entendez drôlement la liberté de la presse et le droit d’inquisition d’une maîtresse amoureuse et jalouse. Mais prenez garde que je ne fasse ma petite révolution de Juliette en septembre et que je ne vous tombe sur la carcasse aussi moelleusement qu’un pavé à mon GRÉ sur votre dos ou sur votre nez.
Voici le marchand de chocolat qui vient de m’apporter divers chocolatsa à choisir. J’en ai pris quoique je n’eusse pas d’argent pour le payer, mais cela ne fait rien puisqu’il nous connaît et que nous nous fournissons chez lui depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre. L’accordeur de piano n’est pas venu, comme de juste et de raison puisque nous avions pris nos précautions pour le recevoir.
Mon Dieu, quel affreux temps. Ze peuxb bien le dire [n’]est-ce pas, puisque Frédérickc ne zoue pas Ruy Blas. Si on le zouait ce soir ça serait différent, ze diraisd le contraire et ze crierais par-dessus les toits : quel beau temps [1] !!! quel bonheur !!!!! Tais-toi toi, je ne te parle pas, je t’ah ! hi ! Laisse-moi tranquille, vilain monstre de débauché. Tu es un brigand et un SCÉLÉRAT. Je te dis que je t’ah ! hi ! Je ne te ferai pas d’image, tu peux bien compter là-dessus comme si tu ne la tenais pas [2]. Baise-moi, monstre d’horreur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 203-204
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « chocolat ».
b) « peus ».
c) « Frédéric ».
d) « dirait ».