Paris, 7 novembrea [18]79, vendredi matin, 8 h.
Bonjour et joie, mon bien-aimé, s’il est vrai, comme je l’espère et comme l’affirme la PAUVRE MARIETTE, tu as bien passé la nuit. Cela m’encourage ce matin à faire jouer la SCIE [1], laquelle, d’ailleurs, a bien peu de prise sur toi à en juger par l’état inachevé de ta maison et par le monceau des lettres arriérées et qui n’auront jamais de réponses. Enfin, par devoir d’obéissance, je t’en fais souvenir tous les jours pour ton plus grand embêtement et pour le mien.
Cette nuit, après minuit, je ne dormais pas encore lorsque j’ai entendu ouvrir et fermer les portes d’en bas ; j’ai craint un moment que tu ne sois malade et j’allais aller t’offrir mes services ainsi qu’à Mariette mais en prêtant l’oreille je n’ai plus rien entendu, ce qui m’a fait supposer que cela pouvait n’être qu’un simple besoin naturel et je me suis tenue coi, prêtant une oreille attentive dans le cas où ce serait une sérieuse alerte. Heureusement rien n’a plus bougé et j’ai pu m’endormir, enfin ! Ce matin je me suis informée et j’ai appris que le bruit que j’avais entendu n’était autre que la rentrée de Rosalie qui était allée à Paris pour elle-même, ce qui lui arrive, paraît-il, très souvent sans compter ses absences fréquentes dans la journée, non-motivées pour le service de la maison. Je te raconte la chose sans autre commentaire que de te demander si tu ne crois pas utile de lui en parler ? Cela dit, je reviens à mes moutons, moutonnant, et bêlant après ton cœur que j’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 268
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « octobre ». Sur le manuscrit, le mot est rayé et corrigé en « novembre » au crayon.