9 mai [1841], dimanche matin, 11 h. ¾
Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit homme adoré, bonjour. Je t’aime. Je me serais donné des coups de poings cette nuit pour me punir de dormir comme une vieille souche comme je l’ai fait. Une autre fois je ne me coucherai pas, ça fait que je ne serai pas attrapée comme cette nuit où je ne me suis réveillée que lorsque tu as été parti, la belle avance. La journée d’hier n’a été qu’une journée de tristesse, de contrariétés et de guignon. D’une part la rechute de mon pauvre père [1], de l’autre de l’argent dépensé sans profit et enfin pour couronner toutes ces belles choses une envie de dormir absurde. Ia, ia monsire, tout cela constitue une journée peu enchanteresse quoi que vous en disiez. Celle-ci, de journée, ne promet pas merveille non plus, voilà que je n’ai plus de sirop même pour finir la journée et il ne faut rien moins que 11 F. 10 sous, y compris le paquet de poudre, pour en avoir une autre bouteille [2]. Enfin, mon pauvre bien-aimé, je ne suis pas à la noce quand je pense à tout l’argent qu’il me faut et à la manière dont tu le gagnes. Il ne faut rien moins que l’amour sans borne que j’ai pour toi pour me résigner à accepter cette position où tu fais tout et moi rien. Mon Toto chéri, je t’aime mais je suis triste.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 133-134
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
9 mai [1841], dimanche soir, 5 h.
Tu es toujours bien enrhumé, mon adoré, c’est triste et tu ne prends aucun repos. C’est imprudent et vouloir jouer ta belle santé qui a fait jusqu’à présent toute ma sécurité. Enfin, mon pauvre bien-aimé, je sens que c’est en pure perte, surtout au moment où tu viens de travailler pour moi jour et nuit, que je te fais ces recommandations. Mais, mon cher bien-aimé, j’aimerais mieux vendre cent millions de milliards de fois les quelques brimborions qui ne me servent pas que d’éprouver une seule minute l’angoisse de te savoir malade. Hélas ! si j’étais la maîtresse je t’empêcherais bien de te tuer comme tu le fais et nous serions bien plus heureux.
J’espérais qu’on sea serait décidé chez toi à aller à la campagne et que par une vieille tradition tu me faisais attendre cette bonne nouvelle jusqu’à ce que je l’aie devinée [3]. Il paraît que je me suis trompée et que rien de pareil n’aura lieu cette année ? C’est décourageant et je pleurerais de bon cœur si je ne craignais pas de te fâcher comme cela t’arrive souvent quand je te laisse voir que je t’aime au-delà de toute raison. Je t’aime, mon Toto bien-aimé, je t’adore mon Toto.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 135-136
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « ce ».