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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 octobre [1837], vendredi, midi ¾

Ce n’est pas quand tu te montres à moi dans toute ta splendeur et dans toute ta magnificence, mon cher bien-aimé, que ma bouche s’ouvrira pour te louer et pour t’admirer. Je suis trop ravie et trop éblouie pour ne pas être muette. Je sens que je t’aime plus que tu n’es grand mais je ne peux pas te le dire. Je sais que si Dieu se montre jamais à moi ce sera sous ta forme, car tu es ma foi, tu es ma religion et mon espoir. Je sais cependant bien que ce n’est pas pour moi seule que ton beau ciel s’illumine de tant de brillantes étoiles, mais s’il est dans ta nature de rayonner sur toutes les intelligences, il est dans la mienne de t’aimer et de t’adorer exclusivement. Merci donc mon cher bien-aimé, merci de tes beaux vers [1]. Hier en te demandant un petit bout de lettre à baiser, je ne pensais pas recevoir une merveille à admirer. Je demandais une perle, vous me donnez un diamant. Je ne me plains pas, surtout si la flamme de votre âme et le feu de votre génie se sont combinés ensemble pour me donner ce gage d’amour que je garderai toute ma vie, sans détourner de dessus ma pensée et mon adoration.
Cher bien-aimé, je vous permets de consulter toutes les magnétiseuses de la terre [2] car s’il est vrai qu’elles disent tout ce qui se passe dans les cœurs, elles vous feront un fameux tableau de ce qui se passe dans le mien, SANS VANITÉ.
Je voudrais bien qu’une d’elles pût être utile à mon cher petit Toto. À ce compte je consens à proclamer sa science et SA LUCIDITÉ partout, avec accompagnement de cymbalesa.
Je t’aime. Vous aviez bien besoin de mettre à votre esprit son beau manteau de rubis et de diamants pour faire mieux ressortir le sac de toile dont le mien est revêtu. Mais si votre esprit rayonne, mon cœur brûle, ça se ressemble toujours un peu. Et puis si vous êtes le plus beau et le plus ravissant des hommes, moi je suis la plus aimante des femmes. Jour mon To. Je t’aime de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 269-270
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
[Souchon]

a) « cimballes ».

Notes

[1Victor Hugo a écrit la veille le poème « Quand tu me parles de gloire », adressé implicitement à Juliette et qui sera publié dans Les Rayons et les Ombres. C’est l’avant-dernière strophe qui inspire Juliette dans sa lettre : elle se réapproprie la métaphore filante du rayonnement amoureux et spirituel.

[2Hugo semble bien avoir consulté une voyante à cette époque (voir la lettre du 16 octobre au soir).

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