12 janvier [1836], mardi matin, dix heures
Bonjour mon cher adoré, bonjour mon âme, tu n’es pas malade, n’est-ce pas ? Mon Dieu, je crains toujours que tu succombes à cette fatigue excessive. Si ce malheur-là arrivait, je ne sais pas ce que je deviendrais. Ce serait à en devenir folle de chagrin.
Aussi, mon cher adoré, c’est pourquoi je te supplie de t’épargner, d’user le plus possible des ressources qui nous restent.
J’ai assez bien dormi cette nuit mais je dormirais encore mieux si seulement je te savais couché auprès de ton cher petit Toto. Et je dormirais tout à fait bien si tu étais couché auprès de moi, oh ! Alors ce serait trop bon !
Turlurette vient de trouver un des tisons tout en feu. Il paraît qu’il a brûlé toute la nuit. Il fait à peine assez clair pour voir à t’écrire. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Je vais me lever tout à l’heure et je verrai s’il pleut ou s’il va pleuvoir.
Dis donc, mon cher bijou, il faudra tâcher de venir un peu plus tôt aujourd’hui car tu sais que je ne t’ai presque pas vu hier et ça n’est pas juste. Si tu viens, je te baiserai tant que tu pourras emporter de baisers. Je t’aimerai plus que tu ne voudras, et je t’adorerai comme un petit Dieu que tu es, et puis je serai bien aimable par-dessus le marché.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16326, f. 10
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa