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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 janvier [1840], mardi après-midi, 4 h.

Je viens de finir mes comptes et mon blanchissage, mon Toto, et je viens te donner sous la forme d’un gribouillis tout l’amour que je n’ai pas pu te donner ce matin. Je suis malade depuis quelque temps, si je n’avais pas l’expérience que cela se passera tout seul comme ça est venu, j’aurais fait venir le médecin mais je suis tous les ans malade à pareille époque et cela s’en va sans remède et sans médecin et j’aime autant ça. Ce que je n’aime pas c’est d’être hors d’état de vous donner du bonheur, ce qui m’attriste et m’afflige c’est de vous déplaire comme je l’ai fait si bêtement tout à l’heure. Enfin je me corrigerai peut-être une bonne fois de la manie de parler à tort et à travers comme une pie borgne et je me guérirai, je l’espère, du petit bobo agaçant qui me tient depuis huit ou dix jours. Quant au bruit que vous avez entendu cette nuit j’y suis tout à fait étrangère et je suis innocente de toute mauvaise action et pensée. Mettez cela dans votre chère petite caboche et pensez qu’à défaut d’esprit j’ai de l’amour, qu’à défaut de naissance j’ai du cœur, qu’à défaut d’éducation j’ai de l’âme, et que tous ces défauts sont autant de sujets d’amour, de probité et de fidélité que je dépose à vos chers petits pieds aristocrates et mignons. Je me suis assurée que la porte condamnée est parfaitement fermée et que c’est le soufflet du papier et de la toile combiné avec le vent qui fait ce bruit désagréable. Du reste je n’y vois aucun remède que d’enlever la menuiserie de la porte et de coller le papier à plat mais alors le remède ne sera-t-il pas pire que le mal surtout quand il s’agira de la faire remettre à nos frais ? Je ferai ce que tu voudras comme toujours, pensez-y voilà tout. Les petits Chinois [1] déteignent très bien cependant je les ai lavés, j’aime mieux les avoir sans culottes que de les avoir sales. Baisez-moi vieux Toto et aimez-moi malgré mes infirmitésa et MON GRAND ÂGE.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 102-103
Transcription de Chantal Brière


a) « infirmitées ».

Notes

[1Il s’agit sans doute de bibelots que dans sa lettre du lendemain Juliette appelle « affreux Turcs » et qu’elle regrette d’avoir nettoyés.

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