Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1836 > Mars > 25

25 mars 1836

25 mars [1836], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon cher adoré, comment vas-tu ce matin ? Comment va ta poitrine ? Tu toussais beaucoup hier au soir, je voudrais que tu prennes quelques soins de cette toux au lieu de l’abandonner à sa propre volonté comme tu fais.
Mon cher bijou, je sens que je t’aime plus que jamais. Je sens combien tu as été bon et généreux hier au soir. Je te remercie, du fond de l’âme, d’avoir fait cesser des souffrances physiques et morales qui, prolongées un quart d’heure de plus, m’auraient tuée, ou fait perdre la raison. Tu as doublement bien fait de me pardonner. D’abord, c’est que je ne suis jamais coupable qu’en paroles que mon cœur désavoue, et puis enfin, c’est que je me repens bien sincèrement de les avoir dites et de t’avoir affligé.
Je suis sûre que jamais pareil tort ne m’arrivera jamais. J’aime mieux tout supporter de toi que d’essayer de t’en punir par des reproches indignes de nous deux, que tu ne mérites pas et que je ne pense pas.
Bonjour, mon cher adoré, je me suis levée bien tard et encore je ne sais pas si j’aurai la force de faire mon tripotage. Mais cela ne m’empêchera pas de faire ma petite besogne d’amour et de t’aimer de toutes les forces de mon âme.
À bientôt mon cher bien-aimé.
J’essuie le sang de votre petit pied avec mes lèvres.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 229-230
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


25 mars [1836], vendredi soir, 9 h.

Chère âme, que je t’aime ! Mon Victor adoré, plus j’ai de torts envers toi et plus la faculté de t’aimer s’agrandit. Je ne te dis pas cela pour te faire désirer que je sois méchante, non. Mon amour, c’est une étoffe que je tire dans tous les sens. Quand c’est toi qui es injuste envers moi (ce qui n’arrive pas souvent), alors je crois que je t’aime davantage ; quand c’est moi, j’éprouve la même chose, et quand nous sommes de bon accord, je ne t’ai jamais plus aimé.
Cher bien-aimé, j’étais bien triste et bien résignée tantôt. Je ne t’avais pas vu de la journée et je n’espérais plus te voir avant le dîner lorsque tu es arrivé. Aussi, avec quelle joie, avec quelle reconnaissance, j’ai accueilli ton entrée.
Mon amour bien aimé, jamais tu ne sauras ce qu’il y a d’amour dans mon cœur, jamais tu ne sauras ce qu’un jour passé sans te voir contient de tristesse, jamais tu ne sauras ce qu’une minute passée dans tes bras contient de bonheur.
Je t’aime, je t’aime. Sois tranquille, sois heureux, oublie toutes mes folies et laisse-moi me repentir sur tes pieds, et t’adorer comme on adore le bon Dieu lui-même dont tu as la beauté et l’intelligence.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 231-232
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne