Guernesey, 28 juillet [18]63, mardi matin, 7 h.
Bonjour, mon doux adoré, bonjour, dans toute l’effusion de mon cœur et de mon âme, bonjour, je t’adore. Je suis encore sous le charme de mon bonheur d’hier et je voudrais te le verser sur toute ta journée aujourd’hui. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit piocheur matinal ? As-tu bien dormi toute la nuit ? Moi j’ai dormi à brises abattues et je me porte de toutes mes forces. J’ai même l’intention d’en employer une partie ce matin à mettre à jour ma correspondance en retard et surtout écrire à Miss Joss pour mon chapeau de voyage. C’est un coup de collier… de plume à donner et je crois que je vais m’y mettre tout à l’heure mais auparavant j’ai tenu à commencer par toi, À TOUT SEIGNEUR, TOUT HONNEUR, et puis cela me donnera le courage dont j’ai besoin pour accomplir cette énorme corvée. Sans compter que je t’aurai ce soir toute la soirée. Quel bonheur, quelle chique, quelle [illis.] (cela peut s’écrire ?), quel RACK ! Je n’aurais pas mieux demandé et demandé à genoux que tu lises chez moi ce soir, mais je sens que cela ne serait pas juste et je m’abstiens en soupirant d’envie et de regret. Une autre fois je serai moins discrète et je l’espère plus opportune dans mes prétentions. En attendant, je te baise de tout mon être à la fois partout, toujours, [par ?] ailleurs, et pendant toute l’éternité.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 200
Transcription de Gérard Pouchain