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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mars 1836

20 mars [1836], dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour cher adoré, comment va ta petite gorge ce matin ? Je voudrais bien le savoir pour me réjouir si elle est guérie, ou pour te plaindre du fond de mon cœur si elle est toujours malade. Quant à moi je suis toujours dans le même ÉTAT et je ne m’en plaindrais pas si j’étais sûre que cela deviendrait par la suite un bon gros et joli enfant qui vous ressemblerait. Mais, mais... rien n’est moins sûr et je me tiens dans une superbe indifférence sur ce petit incident pour n’avoir pas à pleurer une déception ce soir ou demain.
Il fait un temps ravissant. Je me suis levée de très bonne heure pour pouvoir vous écrire plus tôt. J’ai encore fait de méchants rêves et cependant jamais je n’avais été plus heureuse dans tes bras qu’hier au soir. Mais dès que tu t’éloignes de moi, je retombe au pouvoir des idées tristes. Tu vois bien que tu ne devrais jamais t’éloigner pour notre bonheur à tous les deux et pour ma tranquillité en particulier.
Mon cher petit Toto, je vous aime. Je ne sais pas comment ça se fait, mais je vous aime de plus en plus fort, quoique je vous aie aimé de toutes mes forces le premier jour où je vous ai vu. Au reste, je ne charge pas d’expliquer ce phénomène, je le sens et voilà tout ce qu’il me faut.
En attendant que tu viennes, je t’envoie mon cœur, ma pensée et mes baisers pour hâter ton retour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 211-212
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


20 mars [1836], dimanche soir, 7 h. ½

Je t’écris, mon cher ange, parce que c’est un moyen de prolonger la conversation avec toi ; et puis parce que je ne te dis jamais tout l’amour que j’ai dans le cœur. Je suis toujours interrompue par l’heure impitoyable. Mon âme, mon Victor, mon généreux homme, comment ai-je pu t’affliger, comment mes grogneries peuvent-elles jamais te causer un autre sentiment que le rire le plus inextinguible ? Va, c’est bien vrai ce que je te dis, crois-le bien parce que c’est la vérité la plus sincère qui ait jamais existé. Je te trouve le plus généreux et le plus admirable des hommes dans l’acception de la bonté et de l’indulgence pour les caprices de la femme dont je ne me suis pas toujours exempte. Mais je te demande pardon d’avoir attristé ton beau front tout à l’heure, mais cela n’arrivera plus jamais, bien sûr, et pour preuve, c’est que je te donne mon cœur, mon âme, ma pensée et toute ma vie dans ce monde et dans l’autre.
Ah ! notre traiteur qui ne vient pas. Voilà un événementa que Claire supportera difficilement. Moi, ça m’est égal, de ne pas dîner, je vous mangerai ce soir en hors-d’œuvre ainsi.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 213-214
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « évêment ».

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