30 septembre [1837], samedi, 3 h. après midi.
Depuis que vous êtes parti, mon cher bien-aimé, je suis dans les chiffres jusqu’au cou. J’ai fait le compte du mois d’août et du mois de septembre. Ce dernier est juste à une fraction de dix liards prèsa à mon avantage. Quant au mois d’août, il y a un déficit de 45 F. 12 sous ½ à mon avantage toujours. Je ne me charge pas de résoudre ce problème à moins que vous admettiez que l’argent, lorsqu’on a l’imprudence de le laisser sans surveillance, ne se porte à toutes sortes d’excès ce qui aurait pour résultat de faire beaucoup de petits. À la rigueur ce n’est pas impossible et je te crois d’honneur [1].
J’ai ma Claire à habiller, ma toilette à faire, et il est 3 h. passéesb. Il faut donc que je me dépêche. J’ai une plume très commode avec cela, qui me fait écrire tout gros et tout sale. Vous savez que vous avez oublié votre bourse mais comme je suis pauvre et pas honnête [2] je ne vous la rendrai pas. Jour mon petit pa, jour mon gros To. Je vous n’aime [3] de tout mon cœur. Aimez-moi seulement la moitié autant et je vous tiens quitte du reste.
Tu vas venir n’est-ce pas ? Ça fait que je te baiserai encore et que je serai bien heureuse.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 221-222
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « prêt ».
b) « passé ».
30 septembre [1837], samedi soir, 9 h. ½
Mon pauvre bien-aimé, que tu es bon, que tu es admirablement bon. Je te le dis avec effusion et dégagée de tout amour personnel. C’esta un hommage que j’ai besoin de rendre à la bonté sainte de ton âme. Ô tu es bon, tu es noble. Ton âme est aussi belle que ta figure.
Je n’ai pas une bonne nouvelle à t’apprendre, mon pauvre bien-aimé. On n’a pas encore trouvé M. P. [4] ce soir. Est-ce le hasard ou est-ce avec l’intention bien prise d’éviter son enfant ? Je ne sais que penser. Toujours est-il qu’il est à la campagne et qu’on ne sait pas encore quand il sera de retour. Soisb certain qu’il était à son atelier hier. Tout cela est bien sombre pour l’avenir de cette pauvre petite fille et ne contribue pas peu à me faire le visage triste et austère quand je la regarde. Mais toi mon cher adoré, toi, que dire de toi qui ne soit pas de l’adoration, du respect et de l’admiration la plus profonde et la plus sentie ? Dieu fait bien ce qu’il fait et tu es son chef-d’œuvre le plus parfait. Tu as tout, toi. L’intelligence et l’âme. Il faut bien que je te dise cela. J’ai le cœur qui déborde de tous les sentiments à la fois. Je t’aime et je t’admire, je t’adore et je te vénère. Tu es mon étoile.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16331, f. 223-224
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) « Cet ».
b) « Soit ».