Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1863 > Octobre > 10

Guernesey, 10 octobre [18]63, samedi matin 7 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, en avance, cette fois, car tu n’as pas encore ouvert ta fenêtre. Il est vrai que le temps n’est rien moins qu’engageant [illis.] pour toi le temps [signifiait  ?] quelque chose quand il s’agit d’ouvrir les portes et les fenêtres de ton logis. J’espère que la tempête de cette nuit ne t’aura pas plus empêché de dormir que moi-même et que tu te portes de santé, de corps, de cœur, d’âme aussi bien que moi ce matin. J’ai été au moment de me camouflera un peu hier des sous-entendus de Kesler relativement à ta CONTINENCE mais j’ai vu tant de calme et d’honnêteté dans ton regard en ce moment-là que je me suis sentie rassurée tout de suite. Du reste la jalousie préventive de ce gros bonhomme n’est rien moins que communicative et on serait tenté d’en rire plutôtb que d’en craindre la contagion car on n’est pas plus [illis.] amoureux que ce citoyen moitié [illis.] et moitié coton. Je prévois que sa lune de miel aura pour base un chicotin de difficile [digestion  ?]. J’espère cependant qu’il ne nous y fera pas trop goûter et qu’il aura le soin de tout avaler et de nous laisser tranquilles. En attendant aimons-nous comme le premier jour, la main dans la main, les yeux dans les yeux, la bouche sur la bouche, cœur dans cœur et âme dans âme pour que rien de mauvais ne se glisse entre notre amour et notre confiance. Quand te verrai-je, mon bien-aimé ? pas avant l’heure de ton déjeuner, c’est-à-dire dans trois ou quatre heures, hélas ! Pour employer mon temps d’ici là je vais écrire à tous les Bretons [1] car il n’y a plus un moment à perdre maintenant pour avoir la femme de chambre. Si ma sœur s’obstinait à venir en même temps je la logerais chez Mlle Leboutillier comme la première fois. La brave vieille fille ne demandera pas mieux et sera enchantée de lui redonner l’hospitalité. Je vais lui écrire à ce sujet en la prévenant du peu de loisir et de plaisir que j’aurai à lui offrir pendant les allées et venues de mon déménagement. Ce sera à elle de décider la question d’opportunité de sa visite. Je n’en aurai, moi, aucune responsabilité, telle est ma force. Mon cher petit paresseux, je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16384, f. 220
Transcription de Gérard Pouchain

a) « camouffler ».
b) « plus tôt ».

Notes

[1Voir la lettre que Juliette Drouet écrit le même jour à sa sœur Renée : Lettres familiales, édition Gérard Pouchain, lettre 66, p. 158-159.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne