Jersey, 10 juin 1855, dimanche après-midi, 4 h.
J’ai pioché jusqu’à présent, mon cher petit homme, après mes loques mais j’éprouve le besoin de changer d’occupation et de mettre un peu de bonheur sur cet immense embêtement. Est-ce que vous ne m’en apporterez pas un brin tout à l’heure, de bonheur ? Il y aura bientôt vingt-quatre heures que mon pauvre cœur n’a rien pris. Est-ce que cela ne vous émeut pas d’un peu de pitié pour moi ? Sans compter que j’ai un mal de tête atroce, ce qui n’ajoute pas à mon plaisir. Enfin, mon cher petit homme, vous viendrez quand il vous plaira. Pour moi, je continue de vous attendre avec une impatience digne d’un meilleur sort.
J’ai vu Préveraud hier au soir et d’après ce qu’il m’a laissé entrevoir il n’y a pas lieu d’inviter le Ratier pour vendredi : je crois du reste que c’est Préveraud qui ne le désire pas, ce dont je me fiche supérieurement. Tiens vous voilà ! Quelle chance, quelle bosse, quel Rack. Je vous adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16376, f. 245-246
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa