Jersey, 6 mai 1855, dimanche après-midi, 9 h.
Il n’y a ni petit ni grand dans la nature, à ce que vous dites [1], mon cher petit homme, il en est de même de mes restitus. La plus grande ne peut après tout contenir qu’un seul mot : amour. Et la plus petite ne l’est jamais assez pour ne pas j’écrive tout mon cœur et toute mon âme : Je T’AIME. D’ailleurs, c’est le cas pour moi de retourner en sens envers le proverbe : ce qui abonde ne vicie pas et puis tu sais qu’il faut que je copire dare-dare. Pour cela il faut que je prenne ma plume à mon cou et que je ne m’amuse pas parfiler des stupidités en longueur sous prétexte de sentiment.
J’ai vu le citoyen Durand tout à l’heure. Il paraît décidé à se bien porter, ce dont je suis enchantée pour lui car ses maladies, pour être imaginaires, ne l’en font pas moins souffrir. Mon cher petit homme, je te baise à travers choux et je t’aime par-dessus les étoiles.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16376, f. 185-186
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa