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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 février [1836], dimanche matin, 10 h. ½

Bonjour mon cher adoré, je vous écris un peu tard mais c’est parce que j’ai attendu mon papier. Ça ne m’a pas empêchée de ne penser qu’à vous, mon cher adoré. Savez-vous que je vous aime de tout mon cœur et de toutes mes forces ? Je voudrais bien savoir comment tu as passé la nuit et comment va le cher petit Toto-Victor Hugo. J’espère te voir très tôt aujourd’hui dimanche, et puis il fait bien beau temps pour aller voir les logements.
J’ai passé une meilleure nuit que les précédentes quoique je n’aie pas beaucoup dormi. Je me suis levée tard parce que je suis fatiguée mais je vais me dépêcher de faire mes affaires pour être toute prête dans le cas où tu viendrais me chercher pour sortir.
J’ai été bien heureuse hier au soir, c’est dommage que le bonheur dure si peu et arrive si rarement. Je ne peux pas me lasser d’être avec toi, plus je te vois, plus je t’aime, plus je t’aime et plus je sens le besoin de t’aimer. Voilà sous quelle pression je vis. Toto, aimez-moi et ne me demandez pas pourquoi je souffre et je pleure quand je ne vous vois pas, monsieur.
Je vais me dépêcher. J’ai dans la pensée que cela me portera bonheur et que vous viendrez très tôt aujourd’hui. Aussi je vous embrasse déjà pour vous remercier et je vous aime bien fort, bien fort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 75-76
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


7 février [1836], dimanche soir, 8 h. ¾

Mon bon petit Toto, mon cher petit homme, je vous aime, et je suis bien lasse. Savez-vous que pour me défatiguer il m’a fallu faire ma cuisine. Si j’avais été seule ce soir, je n’aurais pas mangé plutôt que de me lever de dessus ma chaise mais ces deux petites Gargantua n’entendent pas railleries à l’endroit de leur dîner. Enfin, c’est fini, je n’ai plus que ma vaisselle, dernière corvée de la soirée après quoi je suis tout entièrea corps et âme à mon cher petit Toto bien aimé. Pauvre petit bien aimé, tu as bien mal à l’œil. C’est bien triste pour moi de penser que la cause principale de ton mal vient de l’excès de travail que tu fais pour moi toutes les nuits. Cher petit Toto, je te conjure au nom de notre amour, au nom de sa durée même de chercher un moyen pour trouver de l’argent. Soit avec les meubles, soit avec les choses qui sont au Mont-de-Piété. N’importe avec quoi pourvu que tu te reposes. Je suis capable de vendre moi-même au premier fripier venu toute ma défroque pour t’empêcher de te crever les yeux comme tu fais. Je t’aime mon bien aimé. J’aime tes yeux, j’aime ta vie.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16326, f. 77-78
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « toute entière ».


7 février [1836], dimanche soir, minuit 10 m.

Quoique tu m’aies prévenue que tu ne pourrais peut-être pas venir ce soir, je n’en suis pas moins très triste et très inquiète. Je crains que ton petit Toto ne soit plus malade. Et puis, s’il faut tout t’avouer au risque de me faire tirer ce qui me sert d’oreilles, je crains que vous soyez allé à quelques soirées ou à quelques bals. Aussi je vais me coucher entre ces deux idées aussi tristes et aussi tourmentantes l’une que l’autre. D’un côté ton cher petit Toto malade, de l’autre votre trahison. Je vais encore très peu et très mal dormir cette nuit.
Bonsoir donc mon cher petit homme, je vous aime et je vous plains si vous êtes retenu près de votre cher petit malade. Je vous crève ce qui vous reste d’yeux et je vous déteste si vous êtes à faire le vainqueur de quelques guincheries bancales.
Je me couche, je vais fermer mes portes et envoyer mes petites péronnelles coucher, et puis je penserai à vous et puis je vous aimerai et puis je ragerai. Et toujours de même jusqu’à ce que je vous ai revu et que je vous ai pardonné tous vos trimes.

J.


BnF, Mss, NAF 16326, f. 79-80
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

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