Guernesey, 13 mars 1861, mercredi, 9 h. du matin
Bonjour, mon cher adoré, bonjour. Puisses-tu avoir passé une meilleure nuit que la mienne car je n’ai presque pas dormi et mes douleurs m’ont très fort tourmentée. Ce matin, il n’y paraît presque plus mais je voudrais savoir comment tu t’es comporté de ton côté, mon cher petit homme, et comment va ta gorge ce matin ? Tout est préparé pour te recevoir, dans le cas où tu voudrais venir travailler ici ce matin. Il en sera de même tous les jours, mon doux adoré, trop heureuse que tu fasses le plus possible ta maison de la mienne. Une chose dont je serai forcée de me priver, ne pouvant pas prendre tous les bonheurs à la fois, c’est quelques unes de nos chères petites promenades de l’après-midi à cause de ma copire. L’impossibilité d’écrire le soir ni tout de suite après mon déjeuner, me force à consacrer une partie de mes après-midi à cette tant attrayante besogne. Le mieux serait de concilier tous les bonheurs à la fois mais cela n’est guère possible, surtout nous couchant si tard. Enfin, mon cher bien aimé, tu seras juge dans ma propre cause et je ferai de mon mieux pour ne rien perdre ni du plaisir de copier ton manuscrit, ni du ravissement de me promener côte à côte avec toi sur la montagne.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16382, f. 71
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette