Paris, 22 mai 1882, lundi matin, 7 h.
Cher bien-aimé, je viens de dire bonjour à ma chère petite lettre [1] car c’est encore ma fête aujourd’hui, et tous les jours qui suivronta, jusqu’ad vitam æternamb tant que tu m’aimeras dans cette vie et dans l’autre. La journée s’annonce belle et bonne et il faut que notre amour soit comme elle, beau et bon. Tu as Sénat aujourd’hui ; à une heure et demie réunion dans les bureaux ; et à deux heures séance publique. Le sommaire est à l’ordinaire.
Autre guitare, un chèque formidable de Rousselle pour le six juin prochain montant à la somme de quatre mille quatre cents quatre vingt un francs 10 centimes ! Il est vrai que depuis le six mars dernier tu n’as rien payé de ce côté-là. Ce qui est sûr, aussi, c’est que toutes les fournitures précisées dans la facture ont été dûment livrées et contrôlées par Virginie. Rousselle estime qu’en moyenne vin de domestique, vin de bordeaux ordinaire et extra, vin de Madère et de champagne, cognac et rhum tu dois dépenser de vingt-cinq à trente francs par jour. Ce n’est pas pour rien que le luxe de la table, toujours servie, est considéré, avec raison par tout le monde, comme le plus grand des luxes. Tu te le donnes et tu le paiesc, c’est juste. Et moi je t’adore, c’est un luxe aussi et je te le paie cœur comptant et content.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 91
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « suivrons ».
b) « jusqu’à vitam eternam ».
c) « paie ».