Paris, 19 avril 1882, mercredi matin
Je suis si patraque ce matin que je ne sais par quel bout me prendre. Le cœur est encore ce qu’il y a de meilleur, aussi je te le sers à toute sauce au risque de t’en dégoûter. Quant à ma tête c’est un vrai cauchemara où je ne retrouve plus rien. J’ai cependant essayé de lire tes lettres ; en voici deux que j’ai pu distinguer des autres ; la première, de Mme Chenay qui se plaint de n’être plus comprise parmi les heureux auxquels tu écris ; l’autre, de ta nièce, Mme Ancelet, fille de Paul Foucher, qui te fait part de la mort de sa mère [1]. Outre cette lettre il y a un billet de faire-part dans lequel j’ai vu qu’on avait omis dans l’énumérationb de la famille le nom de Paul Foucher [2] ; il est vrai que celui d’Asseline y brille tout entier [3]. Ce déni de fraternité jusque devant la mort me paraît bien dur pour ne pas dire plus.
Cher adoré, aimons-nous en bons et honnêtes gens que nous sommes et bénissons Dieu.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 58
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « cauchemard ».
b) « l’unémaration ».