Paris, 15 avril 1882, samedi matin, 7 h.
Cher bien-aimé, je t’ai laissé bien doucement endormi, ce qui me donne la certitude d’une bonne nuit bien complète pour toi et je m’en réjouis en attendant que je t’en félicite. N’oublie pas que Paul Meurice viendra tantôt à quatre heures pour Torquemada et que vous devez aller tout de suite après tous les deux chez Quantin. N’oublie pas non plus le loyer de ta princesse [1] qui échoit aujourd’hui même. Autre scie, je désirerais bien aller avec toi tantôt. Ce me serait une occasion de sortir et nous reviendrions ensemble à la maison. La difficulté est de trouver une voiture à quatre places, ce qui est assez rare dans ce quartier et ce qui me fait craindre d’être forcée de rester à la maison. Enfin qui vivra verra ; j’espère toujours en un heureux hasard, qui sait ? En attendant je pense avec attendrissement combien tu as été bon hier pour le brave Préveraud et pour le bon Lesclide. J’espère que cela leur portera bonheur chacun dans ce qu’ils désirent. Hélas ! J’entends déjà les préparatifs qu’on fait chez les enfants pour leur excursion à Rouen et au Havre ainsi que ceux pour le voyage de Lockroy à Lyon. Heureusement que leur absence à tous ne sera pas de longue durée. Tâchons de combler le vide qu’ils vont faire dans notre vie par plus d’amour encore entre nous deux.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 55
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette