Guernesey, 9 fév[rier] [18]63, lundi soir
Va, mon cher bien-aimé, va à cette corvée puisque tu y es forcé, mais tâche au moins de ne pas aggraver ta grippe soit en allant soit en sortant de ce boui-boui Marquand [1]. Pense à moi, comme je pense à toi et aime-moi un peu pour l’amour sans borne que j’ai pour toi. Tu m’as donné une bonne petite pommade d’ATTENTE tantôt avec laquelle je me ferai de la patience jusqu’au moment où je te reverrai. J’espère qu’il n’y aura pas de complication pour te retenir plus longtemps que la séance annoncée sur l’affiche ; mais dans tous les cas, je ne me coucherai pas avant de t’avoir embrassé de toute mon âme. En attendant que mon dîner soit prêt, je te gribouille ma chétive restitus que j’avais négligée ce matin à cause des comptes de ta Marie [2] et pour ne pas retarder notre chère petite sortie de la journée. Je prends ma revanche ce soir et je te dis de toute la force de mon cœur : sois béni, mon adoré, dans ta santé, dans ta gloire et dans ton bonheur autant que tu es aimé, admiré et adoré par moi. Ces mots que je te répète tous les jours loin d’être pour moi des banalités ne sont que les expressions affaiblies de mon amour infini et immortel comme ton génie et comme ton âme.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 36
Transcription de Chantal Brière