[1833 ?] [1]
Mardi, 10 h. du soir
Voilà bientôt sept heures que je t’ai quitté, mon Victor – S’il me fallait dire ce que j’ai faita pendant ce temps – je serais fort embarrassée – car je n’ai pas d’autreb souvenir que de t’avoir aimé, désiré et appelé parc tous mes vœux –
Pendant que tu travailles, cher enfant, pense – qu’il y a une femme – dont le cœur et la vie sont à toi – qu’elle n’a qu’un bonheur, qu’un avenir, c’est toi –
Mon bien-aimé, ne t’inquiète pas de moi ces temps-ci – Tu sais que je suis une philosophe, mon bon Victor – Ton amour, mon bien-aimé, voilà ce qui m’est plus nécessaire que la vie – ton amour, c’est ma richesse – ton amour, c’est tout ce que je regrette et tout ce que j’envie – ton amour, c’est toute ma vie –
Mon Victor, je t’attendrai toute cette nuit – J’aurai, pour prendre patience, le charmant souvenir de notre soirée d’hier et de notre tantôt – Jamais il n’y avait eu entre nous autant d’amour et d’abandon – Jamais mon âme ne s’était approchée si confiante de la tienne – Je voudrais bien que mon amour pût effacer tous les souvenirs tristes de ton cœur – Le tien est tout mon bonheur –
Pardonne-moic toutes mes folies – Si je t’aimais moins, je serais plus raisonnable – mais je t’aime et je veux toujours t’aimer trop.
Juliette.
[Adresse]
Pr mon bien-aimé
BnF, Mss, NAF 16322, f. 191-192
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]
a) « je [fais ?] ».
b) « autres ».
c) « pardonnes moi ».