Guernesey, 17 octobre 1858, dimanche matin, 8 h.
Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, je t’aime depuis un bout à l’autre de mon cœur. Comment vas-tu ce matin ? As-tu bien dormi ? Tu as dû te coucher bien tard à cause de ton RAOUT. Quant à moi qui me suis couchée à dix heures, je n’en [n’]ai pas mieux dormi pour cela et ce matin j’ai une migraine affreuse. Elle se dissipera avec le brouillard, je l’espère. En attendant, je suis assez grognon. Heureusement que personne n’en esta témoin, ni victime et que tout se passe dans mon INTIMITE. J’espère même que je serai très AIMABLE quand tu viendras, mon pauvre adoré, et que tu ne t’apercevras de rien sinon que je t’aime de toute mon âme. Jusque-là, je boude mon mal de tête et je tâche de le faire déguerpir à force de mauvaise humeur. Demain j’achèverai la copire commencée pour t’obliger à m’en donner d’autres car voilà mes arias [1] finis pour un bout de temps. Quant au projet de promenade mercredi prochain, je crains que le brouillard presque permanent ne nous empêche de la faire. Au reste, tu en décideras au moment même. Jusque-là, je reste sur mon plancher et je borne mon désir à ce que tu te portes bien et à ce que tu sois heureux. Le reste viendra quand il pourra, telle est ma philosophie ie ie ie ie ie [2].
J.
Bnf, Mss, NAF16379, f. 294
Transcription d’Anne-Sophie Lancel, assistée de Florence Naugrette
a) « n’en n’est ».