4 mars 1879

Paris, 4 mars [18]79, mardi matin, 11 h.

Tâche de dormir une heure ou deux, mon pauvre bien-aimé, le temps de réparer un peu ta mauvaise nuit et de calmer les spasmes de ton estomac. Spasmes causés peut-être parce que ton déjeuner est trop souvent desheuré et par conséquent trop rapproché du dîner. Il faudrait, mon grand, doux adoré, avoir des habitudes de repas plus régulières, je crois que ton sommeil et ta santé générale y gagneraient et ma sécurité aussi. Penses-y, mon cher bien-aimé, et donne-moi enfin cette satisfaction de prendre un peu soin de toi. Il ne suffit pas d’être bon comme tu l’es pour tout le monde il faut l’être aussi pour toi et pour moi dont tu es la vie et l’âme. Le mariage d’Henriette a nécessairement causé beaucoup de perturbation dans le service de la maison d’autant plus grand que j’ai renvoyé ce matin même celle qui devait la remplacer. J’ai cru devoir prendre ce parti onéreux puisque je perds [ce ?] denier à Dieu que je lui avais donné, mais sa personne et son genre n’étaient rien moins qu’engageants et me faisaient craindre de la garder si près de moi, j’ai dû la renvoyer. Je resterai seule pendant les quelques jours consacrés à en trouver une autre de meilleur aloi. Clémence de Paul Meurice doit m’en envoyer une dont elle répond. En attendant je ferai comme je pourrai ce qui me sera facile si tu te portes et bien et si tu m’aimes.

[Adresse :]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF, 16400, f. 64
Transcription de Chantal Brière