14 avril [1849], samedi matin, 5 h. ¾
Bonjour, mon très aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour. Eh bien, comment trouvez-vous ma générosité ? Jugez d’après celle-là ce que seraient les autres si vous les [gronquiez ?] adroitement par des petits couteaux ou autres choses du même métal. Vous voyez que ma rapacité n’est qu’une manie d’imitation et que, dès que j’ai un autre exemple à suivre, je ne m’y refuse pas. Ceci dit pour votre gouverne, et quand vous voudrez me tirer des petits miroirs chinois sans grands efforts et sans aucune douleur. Avec tout cela vous voyez que je continue de peu dormir. Il est vrai que je me suis couchée de très bonne heure mais, somme toute, j’ai très mal et très peu dormi malgré la drogue du médecin. Du reste je ne souffre pas, aussi ça n’a pas d’autre conséquence que de me faire lever plus tôt que d’habitude, ce que je ne regrette pas puisque je n’ai rien de bon à faire toute seule dans mon lit. Et puis il faut que je sois prête à midi, ainsi tout est pour le mieux, surtout si tu dors et si tu m’aimes sur tes deux oreilles. Jour Toto, jour, mon cher petit o, bonjour, je vous adore, et vous ? Pensez à tenir votre promesse de culottes le plus tôt possible.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16367, f. 101-102
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
14 avril [1849], samedi matin, 9 h. ½
Mon ménage est fait. J’ai déjeuné et je suis habillée, du moins toute prête à m’habiller grâce à mon réveil matinal. J’aurais presque envie, pour utiliser les deux ou trois heures que j’ai devant moi, d’aller savoir comment va cette pauvre Joséphine que j’ai laisséea très malade il y a plus de huit jours et dont je n’ai eu aucune nouvelle depuis [1]. Cependant je crains de te contrarier, ne t’en ayant pas averti hier. Est-ce que vraiment cela te contrarierait que j’allasse voir cette pauvre fille ce matin ? Je n’ose pas répondre affirmativement et je ne sais pas si j’oserai prendre sur moi, malgré le beau soleil, de faire cette ESCAPADE immense. Ce que c’est que d’être trop bien dressée. Voime, voime, cela me fait perdre souvent l’occasion de bonne bâfrerieb et de bonnes godailleries, mais je ne le regrette pas, au contraire, car rien ne me serait plus désagréable que de t’inquiéter ou de te déplaire. Tu en es bien sûr, n’est-ce pas mon adoré ? Maintenant, baise-moi, mon Victor toujours plus charmant, plus doux et plus aimé et pense à moi.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16367, f. 103-104
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
a) « laissé ».
b) « bafrerie ».