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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 mars 1845

8 mars 1845, samedi matin, 11 h. ½

Tu as bien fait, mon adoré, de venir tout à l’heure. Je t’en remercie du fond du cœur. Mais je te prie de ne pas laisser passer une seule nuit sans venir m’embrasser. Il ne t’en aurait pas beaucoup coûté, puisque tu étais dans les rues à deux heures du matin, de venir jusque chez moi. Pauvre bien-aimé, peut-être étais-tu bien fatigué, bien gelé et bien pressé de te reposer ? Dans ce cas-là, je te pardonne et je trouve que tu as très bien fait.
Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, ma vie, bonjour, ma joie, bonjour, vous, bonjour, toi. Je vais t’envoyer chercher des gants. Les tiens me serviront, ne t’en inquiète pas. Il faudra qu’ils fassenta leur temps de service comme si de rien n’était. Mon Dieu que j’ai froid ! C’est hideux un temps pareil. Cela me fige toutes les paroles sur les lèvres et toutes les idées dans la tête. On ne trouve rien à dire qu’un affreux grelottement prolongé qui vous décompose toute la figure. Pour ma part, je suis glacée et stupide. Pardonne-moi, mon Toto, de ne savoir pas mieux résister au dévergondage du thermomètre. En attendant que tu viennes, je vais faire ta tisaneb et t’aimer, et penser à toi et te désirer. Cela me réchauffera. Je te baise, mon ravissant petit Toto, partout et autre part encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 163-164
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « qu’il fasse ».
b) « ta tisanne ».


8 mars 1845, samedi après-midi, 4 h. ¾

J’espérais que tu viendrais tantôt, mon petit homme chéri. Il paraît que je t’avais compté sans mon AUTRE. Cependant je t’ai bien désiré et bien aimé. Qu’est-ce qu’il faut donc, mon Dieu, pour vous attirer ? Dites-le et si c’est impossible, on le fera mais ne me faites pas tirer la langue comme un pauvre chien enragé. C’est aujourd’hui le dernier jour d’Eulalie. Elle ne viendra plus maintenant que tous les quinze jours pour aller chercher Claire. Elle aura fait une longue station chez moi mais j’en avais vraiment bien besoin. Maintenant me voici un peu à flot. Il ne me restera plus qu’à entretenir et pour cela, je profiterai des grands jours d’été.
Je pense que c’est demain que Granger doit envoyer toucher son acompte. Je vais regarder tout à l’heure où j’en suis de la dette. Je voudrais qu’il fût payé et tous les autres aussi. Ce serait un grand soulagement pour toi et pour moi. Rien ne m’est plus pénible que de savoir que tu travailles pour éteindre toutes mes dettes passées [1]. Le jour où ce sera fini sera un des plus beaux jours de ma vie.
Je te fais penser de nouveau, mon doux bien-aimé, à M. Robelina. Je crains qu’il ne puisse te donner aucun avis utile sans avoir vu les lieux. Dans ce cas-là, il vaudrait mieux avoir recours à l’architecte de Mme Triger. Qu’en penses-tu ? Il est urgent de faire viser ces comptes puisqu’on a tant fait et le plus tôt serait le mieux. Penses-y, mon Victor, si tu le peux toutefois et aime-moi un peu, moi qui t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 165-166
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « M. Roblin ».

Notes

[1Juliette Drouet avait été jugée par le tribunal de police correctionnelle le 8 décembre 1833 afin de payer ses dettes, notamment à Mme Ribot.

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