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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mars 1845

7 mars 1845, vendredi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon petit homme adoré, bonjour, comment que ça va ? As-tu bien chaud ce matin ? Pour moi qui viens de détendre du linge geléa dans le bûcher, j’ai une onglée si soignée que je ne sens pas mes doigts depuis plus d’une demi-heureb. J’attends demain avec impatience pour savoir si la nouvelle lune nous sera plus clémente que cette vilaine-ci. Outre l’ennui d’avoir le nez rouge et le supplicec de l’onglée, je tremble, si cela continue, de n’avoir pas encore assez de bois d’ici au beau temps. Tu pensesd alors maintenant combien je m’intéresse à la température. Tu as oublié ta canne cette nuit, mon Toto. J’en ai été fâchée, car je n’aime pas à te savoir errant au milieu de la nuit sans aucune arme défensive. Quand tu viendras, tu la trouveras. Je vais me hâter de faire ton eau pour les yeux pour que tu puissese les baigner dans de l’eau nouvelle. De ce temps-ci, rien ne se fait vite et rien qu’à grand renfort de bois et de charbon. J’en reviens toujours à mon mouton mais vraiment, c’est un temps absurde.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, Papa est bien i, surtout s’il vient passer la soirée avec sa pauvre Juju et s’il n’emploie pas tout son temps à faire des tables à ses volumes. Je l’embrasserai de tout mon cœur et de toutes mes forces. En attendant, je l’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 159-160
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « gelée ».
b) « une demie-heure ».
c) « le suplice ».
d) « tu pense ».
e) « tu puisse ».


7 mars 1845, vendredi après-midi, 4 h. ¼

Tes pauvres yeux sont bien fatigués, mon Toto. Le froid doit contribuer aussi beaucoup à augmenter leur irritation. Tu devrais, pendant le temps de ces grandes gelées, ne pas autant travaillera. Je sais bien que tu es pressé de toute part, mon Victor adoré, mais le plus pressé selon la raison serait de ménager tes pauvres beaux yeux adorés. Toutes ces recommandations ont l’air de banalités à force de se répéter, mais tu sais, mon pauvre ange bien aimé, que je te les fais du plus profond de mon cœur et avec le plus grand désir que tu puissesb les mettre à profit. Si on pouvait donner son sang pour ceux qu’on aime, il y a longtemps déjà que je n’en aurais plus une goutte dans les veines.
Tu ne m’as pas dit, mon cher bien-aimé, si tu allais chez ton beau-père ? Je pense que cela ne t’empêchera pas de venir m’embrasser une petite fois à l’heure du dîner et de passer la fin de ta soirée auprès de moi ? D’ailleurs je sais un moyen : pendant longtemps je ne faisais que bisquer et que RAGER sans succès. Maintenant, je mange du fromage et vous venez tout de suite. Aussi j’en ai fait faire aujourd’hui même une fameuse provision. Vous ne risquez rien. Vous serez souvent en route pour la rue Sainte-Anastase si je dévore ce morceau de fromage sans interruption. J’ai bien envie de commencer tout de suite mais je craindrais d’abuser de sa vertu. Je la réserve pour les grandes occasions. En attendant, je vous aime et vous resaime de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 161-162
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « autant autant travailler ».
b) « tu puisse ».

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