24 mai 1858

Guernesey, 24 mai 1858, lundi matin, 7 h. ¼

Bonjour, mon cher petit éclopé, bonjour mon pauvre cher béni, bonjour. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que ton affreux vieux clou se sera décidé de lui-même à VIDER LES LIEUX cette nuit. Maintenant, il faudra surveiller un peu ton régime pour éviter d’en avoir d’autres puisque ce climat paraît favoriser ce genre de végétation trop peu agréable. Ce matin, il pleut à chaque instant et il fait un froid de loup. Je te conseille de te tenir le plus longtemps possible bien chaudement au lit dans tes couvertures, mon cher petit homme bien-aimé, et d’éviter en tout lieu aujourd’hui le refroidissement et l’humidité. Je te donne ces conseils à distance comme si tu pouvais m’entendre tant je me sens toujours près de toi par la pensée, par l’âme et par le cœur puis si tu as besoin de ma chambre dans la journée pour ranger tes manuscrits, je te la livrerai dès que tu le voudras PIEDS ET POINGS LIES et même sans me réserver un escabeau pou m’asseoir mais auparavant je veux panser ton cher petit bras, c’est-à dire aider à le panser, car tu tiens, et je le comprends, à faire le plus douloureux et le plus difficile toi-même, dans la crainte que je ne te fasse trop ou pas assez de mal malgré tout le désir que j’ai de te faire beaucoup de bien et de te guérir tout de suite. Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 112
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette