Paris, 25 avril [18]72, jeudi matin, 6 h.
Bonjour, vous, bonjour, toi, bonjour à tout cœur et à tout crins, bonjour, je t’adore. Est-ce clair ? Il fait un temps du bon Dieu et d’amoureux ce matin, pourquoi n’est-ce donc plus le nôtre ? Ah ! mais je ne l’entends pas ainsi et il va falloir revenir, et plus vite que ça, à nos anciens errements bras dessus, bras dessous à travers les villes et les champs, sur la terre et sur l’onde. Je laisse encore passer cette semaine après laquelle je reprends d’autor et d’achar [1] tous mes droits sur vous et ma part au soleil. Dépêchez-vous d’engloutir votre triomphe et d’ingurgiter votre gloire [2] ; quel que soit votre appétit, il en restera toujours assez pour la consommation des siècles futurs qui feront leurs choux gras de votre renommée pendant toute l’éternité. C’est bête comme tout ce que je te dis là [3], mais vrai. En attendant je collectionne pieusement les billets doux de mesdames Thurel et Eugénie Guinault [4]. Comme le soulier de l’auvergnat cha n’est pas chale mais cha tient de la plache et je n’en ai pas trop pour mon propre cœur.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 114
Transcription de Guy Rosa