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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 janvier [1845], mardi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, mon Toto chéri, je t’aime, bonjour. Il paraît que tu as passé ta soirée et peut-être encore ta nuit à travailler, mon cher petit. Tu m’en avais prévenue mais cela ne m’a pas empêchée de t’attendre et de t’espérer. J’en ai été pour mes frais d’espérances sans aucune compensation, car je n’ai pas pu m’endormir avant quatre ou cinq heures du matin. Pauvre bien-aimé, j’ai vraiment bonne grâce à me plaindre quand tu passes tes nuits à travailler. Je ne peux pas y penser sans être prise d’un sentiment de honte et de remords. Il me semble que je fais une action coupable en acceptant ton dévouement à ce prix-là. Et pourtant, je t’aime de toute mon âme et plus que de toute mon âme, car mon amour est plus grand et plus fort que tout mon être.
J’ai besoin de te voir, mon bien-aimé, pour te voir parce que ta vue, c’est la joie, c’est le soleil, le bonheur et le ravissement. Mais j’ai besoin de savoir que tu n’es pas trop fatigué et trop épuisé de ce travail sans fin. J’ai besoin de voir dans tes yeux que tu m’aimes et que tu ne m’en veux pas d’ajouter à tes ennuis et à tes embarras de toute nature.
Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, mon Victor chéri, bonjour, mon Toto adoré, nous continuons, ma servarde et moi, à faire une maison de santé (où il n’y a que des malades). Je ne m’explique pas pourquoi je souffre tant ce mois-ci. Quant à Suzanne, l’extraction de sa dent ne l’a pas soulagée, elle est plus blaireuse et plus endolorie qu’auparavant. Heureusement que le jour de l’an est passé. Mais il y a une autre corvée bien plus longue et bien plus difficile, le déménagement [1] et tout ce qui s’en suit qui est fort ennuyeux et très embarrassant, surtout si nous continuons à être malades. D’ailleurs, tant pire. Je t’aime, ce qui n’est pas le cadet de [illis.] soucis.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 23-24
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


7 janvier [1845], mardi soir, 6 h. ½

Je ne sais pas si tu me gronderas, mon adoré, et pourtant j’ai fait pour le mieux. Je te dirai cela tout à l’heure, car j’espère toujours te voir tout à l’heure malgré la triste expérience que j’ai de ce hideux tout à l’heure. Je te dirai cela, dis-je, en détail. Si tu trouves que j’ai bien fait, je serai bien heureuse. Si tu n’es pas content, j’irai me cacher dans la cave et je ne reviendrai plus.
J’ai vu Jourdain. Nous sommes convenus qu’il enverra ses ouvriers le 20 au matin. Dans tout cela, je ne sais pas où tu trouveras une minute pour diriger le déménagement [2] et pour me conseiller dans tout ce qu’il faudra que je fasse. Je suis vraiment très embarrassée. D’un autre côté, j’ai hâte de m’en aller de cette pauvre maison où nous avons été neuf ans de notre vie si heureux, hélas ! ... Non à cause de cela mais parce que cette maison, à partir d’aujourd’hui, n’est plus notre maison mais celle du premier passant curieux. L’écriteau est posé de tantôt. Ainsi, me voici en proie aux chercheurs de logement plus ou moins sincères. Cette affreuse extrémité me ferait fuir à l’autre bout du monde. Rien n’est plus odieux pour moi que ce genre de calamité.
Cher bien-aimé, je radote sans cesse tantôt sur mes maux physiquesa, tantôt sur mes infirmités morales, tantôt sur mes infortunes domestiques, le plus souvent encore sur le malheur de ne pas te voir assez. Mais je ne m’excuse pas, car je sais combien tu es adorablement bon et indulgent.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 25-26
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « phisiques ».

Notes

[1Juliette Drouet déménage le 10 février 1845 du 14 au 12, rue Sainte-Anastase. Victor Hugo loue ce rez-de-chaussée avec jardin depuis le 14 août 1844, depuis lors en travaux pour rénover les trois pièces et la cuisine.

[2Juliette Drouet déménage le 10 février 1845 du 14 au 12, rue Sainte-Anastase. Victor Hugo loue ce rez-de-chaussée avec jardin depuis le 14 août 1844, depuis lors en travaux pour rénover les trois pièces et la cuisine.

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