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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 septembre [1848], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon Victor, bonjour, mon grand Toto, bonjour. J’aurai le chagrin de ne pouvoir pas encore t’entendre aujourd’hui à l’Assemblée. Du reste c’est l’habitude et je devrais bien ne plus m’en affliger. Malheureusement le cœur ne se blase pas aussi vite que le corps, je le sais par expérience car le moindre petit chagrin d’amour m’est aussi sensible que le premier jour, peut-être même davantage. Aussi il est probable que malgré mes bonnes résolutions et mon courage, tu me trouveras encore plus triste tantôt quand je te quitterai à cause de la séance dans laquelle tu dois parler [1]. Je te le dis d’avance pour que tu ne te méprennes pas sur ce nouveau petit chagrin et pour que tu me plaignes et m’aime davantage. Je viens d’envoyer payer la penaillon. Je te porterai le reçu. Je suis bien contente de ne m’être trompée sur cette affaire et que tu la trouves bonne. Je tâcherai une autrefois de faire mieux encore. Cron, cron, cron, cron. Quant au lit, elle n’en aa pas trouvé, il faudra que j’en commande un et que j’en passe par [les 75 francs ?]. Tu penses qu’il serait absurde de lésiner pour une vingtaine ou trentaine de francs pour une chose après tout importante et sérieuse. Tu me diras ton avis tantôt. Jusque-là je te baise tant que je peux et jamais assez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 315-316
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « elle n’en n’a pas ».


18 septembre [1848], lundi soir, 7 h. ¾

Je voudrais me faire espérer que tu viendras ce soir, mon doux adoré, mon cher bien-aimé, mon Victor triomphant, mon généreux homme, mais je n’ose pas me fier à ta promesse pour n’avoir pas le chagrin de la déception. Seulement, je te désire de toutes mes forces pour tâcher de t’attirer à moi. Je suis allée tantôt chez Corot, il n’était pas rue Saint-Claude, mais je l’ai trouvé rue Amelot. Ce brave homme a paru on ne peut pas plus touché de ma démarche. Il m’en remerciait les larmes aux yeux. Il espère que, s’il y a des amnisties partielles, tu ne dédaigneras pas d’employer ton influence pour tirer son fils de l’exil. Il m’a prié de te prier et je le lui ai promis avec toute la confiance que j’ai en ton inépuisable bonté. Du reste, il m’a encore répété que son fils était peu intelligent, qu’il avait été entraîné et qu’on l’avait surexcité en le faisant boire, et qu’on avait beaucoup exagéré ses torts. Ce pauvre homme faisait son métier de père et j’ai dû me prêter à cette justification paternelle. D’ailleurs, il n’y aurait rien d’impossible à ce qu’on ait un peu chargé ce malheureux qui n’a que trop prêté le flanca à la sévérité par sa folle et dangereuse conduite. On verra plus tard ce qu’on pourra faire pour lui dans le cas où son repentir serait prouvé et sincère. En attendant, je te désire et je t’aime de toute mon âme.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/83
Transcription de Joëlle Roubine

a) « flan ».

Notes

[1Le 20 septembre, Victor Hugo prononcera à la Constituante un discours sur la censure et le théâtre.

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