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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mai 1848

7 mai [1848], dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour, vous, bonjour. Que je vous entende encore me parler du colonel [Piffefer  ?] et vous verrez ce que je vous ferai. Je m’insurge pour de bon et je passe à l’état de femme rouge et libre. Tenez-vous pour avertia.. Ah ça, qu’est-ce que c’est que cette nouvelle manie d’Abel de vouloir te pousser dans cette Assemblée nationale ? Il éprouve donc un bien vif désir de te voir casser le museau ? Quant à moi qui n’aime pas à faire faire mon ouvrage par d’autres je m’y oppose. J’entends et je prétends rester seule votre MAÎTRESSE depuis un bout jusqu’à l’autre y compris même le milieu. Je veux être la seule ayant droit de vous graffigner, de vous écorner, de vous fêler et de vous concasser à ma fantaisie. Droit de vie et de mort dans toute l’acception du mot. Je le veux, je le veux, je le prends et je ne le cède à personne. Que l’Assemblée dite nationale fasse son ménage comme elle pourra, mais je ne veux pas que ce soit vous qui payiez les pots cassés par la République. Tenez-vous tranquille dans votre coin, il n’y a pas de coin, ou baisez-moi depuis le matin jusqu’au soir si vous tenez à faire quelque chose pour la patrie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 165-166
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « Tenez-vous pour avertit ».


7 mai [1848], dimanche après-midi, 1 h. ½

Je suis sous les armes, mon amour, et je vous attends enseignes déployéesa. Cependant j’avoue que je compte peu sur vous. Vous ne m’avez pas habituée ou plutôt vous m’avez déshabituée depuis longtemps de ce luxe de visite, de causerie et d’amour. Aussi je n’espère pas vous voir avant 7 h. quoique je vous attende et que je vous désire depuis le moment où j’ai ouvert les yeux. Cependant je ne veux pas vous grogner à l’avance afin que mon courage, ma patience et ma résignation vous touchent et vous fassent venir plus vite. N’oublie pas que je dois voir la mère Triger tantôt et qu’il me sera bien difficile de ne pas lui faire accueil surtout si elle a une bouteille de vin [dessinb]. Tu es trop juste pour ne pas comprendre tous les égards qu’on doit à une femme ainsi armée pour moi. Je n’y saurais résister, d’autant mieux que je serai toute seule et que je ne pourrai donner à personne la délégation de recevoir, d’amuser et d’écouter cette pauvre mère Triger. Donc vous seriez bien aimable de venir auparavant elle, afin de ne pas me faire payer mon vin plus cher que chez le marchand vin. En attendant je vous aime par dessus les [bords  ?] et je vous adore encore plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 167-168
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « déploiées ».
b) Dessin : une femme tenant une bouteille de vin.

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