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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 février 1846

Samedi 28 février [1846], 11 h. du matin

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon Victor adoré, bonjour je t’aime. Je viens de prendre un bain tout à l’heure, ce qui ne m’empêche pas d’avoir mal à la tête et à la gorge, au contraire. Je suis honteuse et triste en même temps de l’accueil que je t’ai fait cette nuit. Tu ne peux pas te figurer ce que je souffre quand le sommeil s’empare de moi et que je veux le combattre, c’est inexprimable. J’espère qu’il m’en sera pas de même ce soir. D’ailleurs j’aurai Claire pour m’empêcher de dormir comme une marmotte. À propos de Claire, Eulalie est partie ce matin à la barrière de l’Étoile parce qu’on est venu l’avertir qu’un des fils Lelyon tirait à la conscription à l’Hôtel de Ville aujourd’hui même. Dans son impatience de connaître le résultat de ce tirage elle est partie en toute hâte. Cela ne l’empêchera pas d’aller chercher Claire ce soir à la pension mais elle ne pourra pas la laisser dîner chez son père. Je le regrette pour cette pauvre enfant qui paraît y trouver du plaisir. Dans tout cela je suis seule et j’attends lundi avec impatience, bien heureuse si cette pauvre péronnelle achève son examen sans encombre [1]. En attendant, je voudrais bien te voir et rester avec toi jusqu’à ce soir. Tâche de venir mon Toto chéri et je serai bien contente et je pousserai mon fameux cri de guerre et de joie. Quel Bonheur !!!!!!!!!!!!!a Je te baise, Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 209-210
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) Les 13 points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.


28 février [1846], samedi soir, 9 h. ½

Tu es bon, je t’aime, tu es ravissant, je t’adore. Tu es venu passer quelques instants auprès de moi tantôt, je te baise en reconnaissance depuis la tête jusqu’aux pieds. Ma pauvre péronnelle est assise auprès de moi qui étudie. Pourvu qu’elle réussisse lundi [2]. Dieu sait si je le désire. Eulalie n’a pris que le temps de manger sa soupe pour aller voir si le sort avait métamorphosé son pékin en conscrit. Il a fallu l’impérieuse nécessité d’aller chercher Claire pour lui faire quitter la place avant de savoir cette intéressante nouvelle. Du reste je me mets à la place de la mère et je comprends l’anxiété de tout ce monde. Pressée par son père [3] qui voulait écrire à Rambuteau pour elle, Claire lui a dit qu’elle avait déjà passé à moitié son affreux examen et qu’elle finirait lundi. Ce que voyant le susdit père a persisté de plus en plus dans son idée d’écrire au Grand Butor. Cette démarche a cela de bon qu’elle est maintenant tout à fait inutile grâce à toi et à ces deux braves messieurs Varin et Dumouchel. Tu devrais tâcher pour cette chère enfant et pour MOI de venir tout à l’heure. Elle a si peu le temps de te voir et j’ai tant besoin de te voir que tu serais bien gentil de venir tout de suite. Je te renouvelle ma RÉCLAME de tantôt et à son de trompe nous verrons si j’en serai pour mes frais de publication. En attendant je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 211-212
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Claire, admissible au concours d’institutrice, est convoquée à l’oral, où elle échouera.

[2Admissible au concours d’institutrice, Claire est convoquée à l’oral, où elle échouera.

[3Le sculpteur James Pradier.

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