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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 janvier [1848], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, mon doux petit homme, comment va ton pauvre petit ventre ? Tu vois bien que tu travailles trop et que cela t’échauffe le sang et les entrailles. Quand tu [illis.] un moment il me semble que ce serait prudent et que tu ne ferais pas un grand retard à ton travail. Ce serait bien pis si tu étais malade seulement quelques jours. Si tu étais raisonnable tu prendrais un jour ou deux de repos. Mais tu ne le seras pas, je n’en suis que trop sûrea. Tu continueras ton travail enragé jusqu’à ce que tu tombes dessus. Pauvre, pauvre adoré, tu es un sublime piocheur que je plains, que j’admire et que j’adore.
Puisque tu n’as pas de Chambre ni d’Académie aujourd’hui tu devrais tâcher de venir plus tôt auprès de moi. À moins que tu ne te reposes et que tu dormes je veux accaparer ton temps chez moi. Malheureusement ma volonté dans ce cas-ci est de très peu d’action et tu t’en fiches supérieurement. Tu ne viens que lorsque les Bourel et les Chaumontel..le ne savent plus que faire de toi. Je ne me fais pas illusion là-dessus. Je sais que c’est ainsi et je n’en suis pas plus fière ni plus heureuse. Seulement j’apprête mon grand couteau et je me tiens sur VOS gardes. Baisez-moi et tremblez le moment est opportun. Aimez-moi quand même ou la mort.

Juliette

MVH, 9018
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « sûr ».


26 janvier [1848], mercredi après-midi, 1 h.

Plus je me chauffe et plus j’ai froid. Je vais essayer de ne pas me chauffer du tout pour voir si je suerai. En attendant j’ai si froid que j’en grelotte comme un vieux pauvre et que je ne peux pas tenir ma plume, à la lettre. Mon esprit, qui n’est pas de l’alcool, est gelé. Et je ne crois que la hache la mieux aiguisée pourrait en entamer la plus petite parcelle. C’est une pierre, un morceau de granit, tout ce qu’il y a de plus dur et de plus obtusa.
En revanche mon cœur est tout incandescent et vous brûlerait si vous en approchiez un peu. Tout cela ne me dit pas comment tu vas, mon adoré ? As-tu bien passé la nuit ? Il me semble que la salade ne doit pas être une bonne chose pour les coliques ? Je trouve que tu suis un régime peut-être un peu trop tonique et qu’il vaudrait mieux modérer en travaillant moins, en mangeant chaud et en dormant beaucoup et le RESTE. Cela te ferait un mois plus tard certainement mais ta santé ne serait pas compromise et je serais plus tranquille. Mais tout cela est parfaitement inutile à dire à celui qui ne veut rien entendre et je ferais bien mieux de garder ma plume pour manger des choux, et mon amour pour une meilleure occasion. Oui c’est vrai. Taisez-vous, baisez-moi et venez tout de suite.

Juliette

MVH, 9019
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « obtu ».

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