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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 novembre [1847], jeudi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour mon cher petit piocheur, bonjour mon cher petit cheval, bonjour bonjour. Il m’est impossible de vous suivre dans ces longues veillées silencieuses sans pioncer affreusement. Si vous me parliez de temps en temps cela me tiendrait en haleine, mais ce silence non interrompu m’endort comme une marmotte.
Je viens de voir cette pauvre Julie. Elle est dans ses petits souliers et n’espère plus être reçue, ces stupides examinateurs ne sachanta qu’inventer pour troubler ces malheureuses jeunes filles et pour les faire échouer. Quant à moi, je suis exaspérée et je voudrais pouvoir griffer leurs vieilles peaux depuis le haut jusqu’en bas.
Avec tout ça je suis toujours une pauvre Juju qui bâille aux CORNEILLES et au TOTO. Je voudrais pourtant me ravigoterb un peu. Dites donc vous, quand donc que vous pourrez donner un peu de JOIE AU MONDE ? Je suis lasse d’attendre toujours. Je commence à perdre confiance et à croire que tout mon bonheur est fini et qu’il ne reviendra plus, même si je pouvais en prendre mon parti. Mais bien loin de là, je vous aime plus que jamais et je sens que mon amour redouble d’autant plus que mon bonheur est d’autant moins. Au fait cela n’est pas illogique. Il est tout simple qu’on aitc faim quand on n’a pas de quoi manger. Ça n’est pas très drôle mais c’est comme cela.

Juliette

MVH, α 8011
Transcription de Nicole Savy

a) « savant ».
b) « ravigotter ».
c) « est ».


25 novembre [1847], jeudi, midi ½

J’ai beau faire, beau dire et beau me tâter, mon Toto, je ne suis pas contente. Je sais bien ce qui me manque mais comme ce n’est que vous qui pouvez me le donner, cela ne me console pas. Car avec vous promettre et tenir c’est [moins  ?] que deux. C’est des millions et des milliards de fois RIEN. Il est vrai que vous travaillez et que vous lisez l’histoire de la Révolution [1] toutes les nuits. Si vous croyez que c’est là ce qui rend une Juju heureuse, vous êtes dans l’erreur. Au reste, vous vous en fichez pas mal. Autrefois vous y auriez regardé, mais maintenant vous en êtes quitte pour deux ou trois vieilles promesses desséchées que vous ne tenez jamais. Aussi rien ne me met plus en rage que ces deux ou trois vieux os que vous me jetez constamment, sous prétexte de calmer ma faim canine. Depuis le temps que je les ronge il n’y a plus rien après, et vous devriez bien me donner quelque chose de plus substantiel si vous ne voulez pas que je crève de misère, de famine et de disette d’amour, de joie et de bonheur non satisfaits.

Juliette

MVH, α 8012
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Il peut s’agir de l’Histoire des Girondins, de Lamartine, terminée en juin 1847, et dont Victor Hugo lisait le début en mars. Ou du tome II de l’Histoire de la Révolution française de Louis Blanc, publié le 31 octobre, ou encore du tome II de l’Histoire de la Révolution française de Michelet, publié le 20 novembre (Massin).

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